La conscience (Belgique)
La bonne est la pire. Rassurez-vous : vous n’en saurez rien et vous mourrez idiot sans le savoir ; à peine contrarié et pas du tout convaincu, si d’aventure quelqu’un vous avertit.
L’absence de conscience fera de vous un riche ou le jouet des riches : car il y aura toujours plus riche que vous ; l’inconscience fera de vous un joueur.
En somme il n’y a que la mauvaise conscience qui par son trouble irréductible offre de l’intérêt. Face aux pauvres, par exemple ! Qu’on les abreuve, les nourrisse et les vête, rien ne change ; d’autres les remplacent. Quoique nous fassions notre aisance produit implacablement de la misère…
Croyant, on fait de l’amour qu’on leur porte un moyen inévitablement égoïste de son propre salut. Plus généralement, on les craint : ils sont la preuve par Dieu que l’argent ne peut que singer Sa puissance, et la faim seule imiter Son amour.
N’ayant rien à leur dire que cette honte de nous-mêmes et le conseil de nous ressembler au plus vite, nous en confinons le dérangeant mystère par des offrandes, des aides.
Mais est-ce là fraternité ?
Werner Lambersy