La mort a son prix
Malgré son temps illimité, la mort accélère le pas. Elle n’avance plus au rythme de la vie mais selon le cours de la Bourse. De guerre en guerre, de famine en famine, l’économie étouffe l’homme. L’âme s’étiole dans la soif insatiable du profit. Les papes et les imams bénissent les armées. Les prières s’égrènent au bruit des attentats et des chapelets de balles. Tout s’envole dans le souffle des bombes et le feu du napalm. Les rois de la finance dilapident la terre. Le profit est leur Dieu, la pub son prophète. Du botox et aux téléphones «intelligents», l’insignifiance règne. On s’énerve pour un caniche mal bichonné, un but sur balle, les frasques d’une vedette, le mariage d’un prince alors qu’un peuple tout entier meurt de faim. On gruge des montagnes pour en faire des routes. Le roc se compte en camions de garnotte, le vent en kilowatts et la source en bouteilles. On mettra bientôt des compteurs d’air dans les poumons, les conteurs en prison, les poètes à l’asile. On a déjà mis l’enfance sous les armes, la vieillesse à l’hospice, une tirelire dans le vagin des femmes. La vie ne vaut plus rien mais la mort a son prix. On magasine son cercueil comme on le fait d’un char, croyant aller plus loin dans le dernier modèle. Dans les soubresauts du marché, les riches se réfugient dans l’or et l’argent sale, les pauvres dans le jeu. C’est l’humanité entière qui y perd son âme.