Le juke-box magique de Claude Pélieu

Publié le par la freniere

Un voyageur pris de vertige dans la chambre froide
Le fils du Soleil sans bras ni jambes haletant dans les égouts
Des diplomates attrapés au lasso sous une étoile filante
Une vague de sang et d’os
La sueur d’un chaman ébloui
Les sanglots du Grand Esprit scalpé dans la cage d’escalier
Une main invisible tombée du ciel
Les neufs inconnus assis secrètement dans l’arrière-salle d’une cafétéria
Des milliers de rats télépathes dévalant l’escalier
Un babouin frappé à mort devant le night-club
Et l’image syncope d’un homme sans tête faisant peau neuve de l’autre côté de la terre
Un téléphone sauvage annonçant l’Apocalypse
L’agent secret Cheyenne disparaissant sur la voie express sans laisse de trace
Des terroristes échangeant des salutations muettes devant les caméras de CNN
Le chant secret d’un enfant
Un écureuil sautillant à perdre haleine sur la tombe de Mister Freedom
La tristesse du Roi du monde dans le trou noir de Times Square
Baron Samedi décapité devant la station-service
Un laveur de vitres pris de panique au-dessus du gouffre
Les balles traçantes de l’automate aux yeux bandés
Un souvenir lumineux de Brocéliande
Flashes d’éternité dans le juke-box magique de Claude Pélieu.

Le télégramme d’un sorcier empoisonné fiché par l’ordinateur central
Le grouillement des blattes derrière la porte blindée de la chambre à gaz
Des superstars secouées de frissons en entrant dans le labyrinthe sous le regard de la milice de la téléréalité
Des centaines de cadavres engloutis dans les tours perdues
Un cortège d’immortels armés jusqu’aux dents dans le hall de l’aéroport
Le rêve d’un singe aux yeux d’or emporté dans les airs au-dessus de Brooklyn
Les dernières minutes de Captain Parano
Le baratin top secret des machines de contrôle dans les rues vides
Une pile atomique clignant sous un ciel immense
La police le FBI et la CIA patrouillant jour et nuit
Et Batman couvert d’excréments braillant derrière la clôture
Le manège déglingué de Long Island avec l’usine des sanglots
Un dealer égorgé balayé par le vent
Des millions de fourmis empoisonnées sortant des entrailles de la cité grise
La douleur des supérieurs inconnus se cachant dans la foule
La haine de l’homme-tronc sur la piste des forces du Mal
Docteur Minuit prenant le micro dans le cercle magique car le spectacle doit continuer
La foudre frappant le Chien jaune bâillonné sur le toboggan
Un garçon de courses à la voix brisée près du fleuve
Les poètes de la nuit demandant l’asile politique
Un souvenir lumineux des soirées folles zen vodka et haïkus
Flashes d’éternité dans le juke-box magique de Claude Pélieu.

Des hommes en colère tournant en rond dans le cabinet noir avant que la ville ne s’éveille
Un veilleur de nuit électrocuté dans le tunnel
Le cri d’effroi des bébés qui naissent derrière la palissade
Sifflets sirènes de flics et bruits de klaxons passant en boucle à toute vitesse sur une bande magnétique dans un repli de l’espace
Lambeaux de phrases malaxées du DJ magicien haletant pour la dernière fois devant la mer
Un collage de percussions et de machines à sous sur le mur d’écrans
La brebis clonée puante enterrée dans un coin obscur
Des centaines de micros truqués hystériques au-dessus de Wall Street
La fraternité des veilleurs en larmes disparaissant au milieu des flammes
Les battements de cœur sacrés de trois anges sur le paratonnerre parlant une langue totalement inconnue
Et le réveil hargneux de la Vieille Bête ivre de haine et de sang dans un immeuble oublié de New York
Le croassement d’un corbeau en toute liberté dans le ciel mystérieux du grand univers
La valise en fer d’un rescapé de l’Holocauste
Des centaines de gyrophares contre les murs gris de la maison des fous
Un chanteur écorché vif devant la porte des latrines
La pulsation de guerre du commando suicide hurlant dans le ciel
Un tourbillon de pylônes et de guitares brisées
L’œil animal du Môme bleu attendant dans sa chambre pourrie du Bronx
L’horreur programmée de milliers de fenêtres vides
La nymphe Calypso courant dans les rues glacées au bord de la tombe
Un souvenir lumineux de la vallée des Mohawks loin de tout assis regardant la chute des feuilles
Flashes d’éternité du juke-box magique de Claude Pélieu.

 

Bruno Sourdin

Publié dans Poésie du monde

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