Lettres sous les lilas
Lettres brèves
que personne ne lira
Leurs destinataires
sont morts et enterrés
sous quatre brins de lilas
Lettre à l’enfant
qui disputait trois grains de riz
aux vautours des ordures
sur les hauteurs et puanteurs
de Caracas
Lettre à l’ivrogne
qui titubait sur la place Mouffetard
dans le reflux post-soixante-huit
la bouche pleine de poèmes
sans lecteurs et sans but
Lettre à l’actrice
qui j’accompagnais à la guitare
chantant sur scène
les intermèdes de Brecht
Mais de la dernière missive
je ne dirai rien
le fil n’est pas rompu
avec le vieux lettré
sorti du manège et du bruit
hors des querelles des joueurs de dés :
nous sommes entretissés.