Matin froid

Publié le par la freniere

 

La nuit  a enfanté une page vierge

mille cristaux étrangement imbriqués

forment un lisse vélin pur

pour des mots en espoir d’assemblage

ils sourdront au rythme du gel

lent autant que celui d’une milonga

 

cette mince couche d’utopie

dissimule le monde réel

lui redonne un aspect propre

et vierge

 

les lève-tôt anonymes  

ont inscrit leur signature dans la neige fraîche

leurs pieds allant de pair 

tracent des rimes en rythme égal

semailles d’hiver pour un brillant germinal

 

alors que le jour est encore à poindre

le poète commence son dur labeur

aux commandes de son tractopelle

il ramasse les vers épars

indifféremment

pour en extraire du misérable le sublime

sans souci du quand-rimera-t-on

il dévoilera et repiquera

avec constance ces germes de révolte

 

larme gelée d’un mort de froid

goutte de parfum d’émois dans un lit tiède

perle de sueur d’un nanti pensant à son au-delà

 

à moins que ces bourgeons

n’éclosent en fleurs de garance

que cueilleront les humbles

pour en faire leur drapeau

et marcher sur les intarissables regains

de nouvelles Bastilles

 

ainsi naîtra le poème

des oublis inlassablement reconstruits

recueillis dans la rue

par les ouvriers des mots publics

 

Mario Urbanet 

 

Publié dans Poésie du monde

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