Sacré
Hôpital - cardiologie
Barre folle et grand-voile nouée au centre des écueils, le navire s'affole. De gifles en goulées d'air, c'est le creux d'affliction. Noirs les craquements, noir l'abandon. Tout ciel éteint, tout ciel absent, le carrefour des vents déchaîne ses désordres. La denture des vagues ouvre sa gueule avide. Si hautes les vagues, si furieusement indifférentes. Dans ce fracas, les mots, les croyances, les tracés, un jour élaborés, s'éteignent. De la clameur des éléments, s'élève un mur mouvant qu'aucune lueur ne rassure. Abysses hissés jusqu'à la déraison des peurs, l'instant est une éternité sans fond. Seul dans le chaos de l'interne tempête, le cœur combat. Autour de la tourmente, des gens viennent et vont. Parfois quelqu'un tire une chaise et donne un sourire silencieux. Apaisement momentané. Ici, dans l'océan meurtri du service de cardiologie, trop de soignants ressemblent à leurs machines de contrôle, trop de visites n'en sont pas. Et le bateau, sans bruit, sans boussole, affronte les secousses. Pourtant, dans le chaos des froideurs, apparaît le miracle : l'enfant. Rayonnante, sans fausse note, sans calculs, sans arrangements. Sa présence aimante aura raison de la dévastation. Son visage tendu transporte la lumière. C'est le moment sacré, paumes ouvertes, calmant les eaux jusqu'à la douce pluie. Et tout redevient possible de l'espoir et du printemps.