Tout feu tout femme

Publié le par la freniere

 

 

C’est mardi qu’est lancé le disque Femmes de feu, un hommage dans lequel Luce Dufault, Laurence Jalbert, Jorane et Marie-Jo Thério reprennent les chansons de Pauline Julien. Pieuvre a eu la chance d’en discuter avec l’animatrice Monique Giroux, qui est également l’instigatrice du projet.

 

Vous avez fait paraître une compilation des chansons de Pauline Julien il y a quelques années. D’où vous vient cette passion pour l’artiste?

 

Monique Giroux : Dans le cas de la première compilation, ce n’était pas une passion pour Pauline en particulier. La première compilation que j’ai faite des chansons de Pauline remonte à 1996, ou 1997. Ça faisait partie d’une collection de treize disques, qui s’appelait la collection Les Refrains d’Abord, et dont le but était de sauver de l’oubli les chansons de grands artistes québécois dont l’œuvre n’avait pas été remise sur CD. Depuis 1985, il n’y avait plus de 33 tours, et on ne trouvait pas une chanson de Pauline Julien, de Renée Claude, de Monique Leyrac ou de Lucille Dumont sur CD. Pendant la démarche, j’ai rencontré Pauline. Je la connaissais bien évidemment. J’étais une grande admiratrice, mais je ne l’avais jamais rencontrée. J’ai eu le plaisir de la côtoyer quelques années avant sa mort, de la connaître, et de partager ses derniers moments. Quand Radio-Canada m’a donné carte blanche pour faire des spectacles, j’ai pensé saluer Pauline. J’ai pensé redonner un souffle à son œuvre, pour que les plus jeunes, qui ne l’ont pas connue de son vivant, la découvrent au moins maintenant, à travers la voix des autres filles.

 

Vous évoquez justement la jeune génération. Selon vous, qu’est-ce qui fait que les chansons de Pauline Julien sont encore pertinentes aujourd’hui?

 

Monique Giroux : Pauline a toujours pris grand soin de choisir les textes qu’elle chantait, les auteurs qu’elle interprétait. Elle était elle-même auteure, elle a écrit plusieurs dizaines de chansons… On l’a oublié, mais « L’âme à la tendresse », c’est quand même elle qui a fait le texte, ce n’est pas rien! Pauline n’était pas une vedette, ce n’était pas une célébrité au départ. Elle l’est devenue par la force des choses, mais c’était une artiste, qui a toujours pris soin de chanter des thèmes universels, intemporels. Je pense à une chanson qui s’appelle « L’étranger », qui est d’une grande actualité, particulièrement en ce moment (rires). « L’âme à la tendresse », c’est une chanson qui, au-delà des modes et des tendances, est, et sera toujours d’actualité, tant qu’il y aura des humains sur la planète qui auront besoin de tendresse (rires).

 

Femmes de feu était d’abord un spectacle. Qu’est-ce qui vous a fait choisir les quatre artistes qu’on retrouve sur le disque pour cet hommage?

 

Monique Giroux : De l’instinct, tout bêtement. C’est con, hein, mais c’est comme ça. J’étais devant ma page blanche, mes pages blanches, parce que j’avais cinq, six, sept spectacles à imaginer, et puis bon, voilà, Pauline… Quatre filles plantées, solides, les pieds dans le béton, la tête dans les charbons ardents… J’avais vraiment envie de quatre sorcières, quoi. Quatre fées-sorcières, quatre femmes de feu. C’est pour ça que j’ai mis un s à Femmes de feu sur le disque, parce que ces quatre filles-là sont les descendantes directes de Pauline. Il y en a d’autres, évidemment, mais celles-ci m’ont semblé avoir la force de chanter les mots de Pauline. Entre Jorane, qui est la plus jeune des quatre, et Laurence, il y a une quinzaine d’années d’écart, mais c’est quatre filles, on peut le dire, d’une même génération…

 

Elles ne possèdent pas la même approche artistique non plus, donc, ça crée un mélange intéressant…

 

Monique Giroux : Oui, exactement, mais elles ont toutes en commun d’être, jusqu’au bout des ongles, des artistes accomplies. Des créatrices. Je le répète: il y en a d’autres, mais celles-là ont ça en commun, tant et si bien que, malgré le fait qu’elles n’avaient encore jamais travaillé ensemble, c’était la première fois qu’elles se retrouvaient sur une même scène, il y a eu une chimie instantanée entre les quatre filles. Vraiment. Aucun égo, une droiture extraordinaire dans le travail. Je ne veux pas oublier Julie Lamontagne dans ces femmes avec un s… J’ai choisi délibérément une femme musicienne, arrangeuse et chef d’orchestre. J’aurais pu demander à André Papanicolaou, à qui j’ai demandé de faire autre chose, mais j’ai volontairement demandé à Julie, une femme, de monter le band des musiciens pour ce spectacle-là et de faire les arrangements.

 

Comment s’est faite la sélection des pièces? Est-ce que vous vous êtes impliquée dans le choix des reprises?

 

Monique Giroux : Oui, je fais toujours ça, c’est-à-dire que je propose le concept du spectacle aux artistes, j’imagine des chansons. Dans ce cas-ci, j’ai proposé à chacune des quatre filles quatre ou cinq pièces. Elles choisissaient celles avec lesquelles elles étaient le plus confortables. Dans certains cas, elles m’ont dit : « J’aimerais bien faire celle-ci, tu ne me l’avais pas proposée, est-ce que je peux la faire? ». Évidemment, oui, bien sûr! Le but, c’est que tu sois à l’aise avec le répertoire, que tu te sentes bien, que tu tripes, que t’aie du plaisir à le faire. Moi j’ai pensé à celle-là, mais si tu préfères faire celle-ci, avec plaisir, tu vois. Mais, disons que, dans le trois quarts des cas, ça a été les chansons que j’avais imaginées au départ qui leur collaient bien.

 

Est-ce qu’il était prévu à l’origine de faire un album à partir de ce spectacle?

 

Monique Giroux : Ben non! En fait, ce qui s’est produit, c’est qu’il y a deux répétitions, le vendredi et samedi, et une générale le jour du spectacle. Donc, la première fois que les artistes mettent leur voix sur les arrangements, c’est le vendredi. Et là, écoute, dès la première demi-heure, je me suis dit : « C’est pas possible, qu’est-ce que c’est que ça? Il se passe quelque chose! ». C’était trop beau, ça coulait, ça filait. C’était extraordinaire, les arrangements de Julie, les voix… J’ai fait descendre mes deux collègues de la direction. Je leur ai dit : « Venez donc jeter une oreille, il se passe quelque chose, je pense qu’on devrait faire un disque ». Elles m’ont dit : « Ben oui, Monique! ». Tu sais, je suis toujours un peu… Un projet n’attend pas l’autre avec moi… Elles sont descendues en souriant et m’ont dit : « Ben oui, regarde-là, elle est encore partie, elle veut faire un disque! », mais elles ont été obligées de se rendre compte qu’en effet, c’était exceptionnel.

On enregistre tous les spectacles comme si on en faisait des disques. C’est enregistré en multipistes pour les diffuser à la radio dans une qualité optimum. Donc, on a simplement pris l’émission de radio, on l’a remixée, on a fait le mastering, et on en a fait un disque! On pourrait techniquement faire la même chose avec tous les spectacles. Il n’y a pas eu d’installation particulière. D’où l’incongruité, peut-être, d’entendre un disque enregistré live sans applaudissements. On aurait pu refignoler, refaire les chansons en studio, mais bon, c’était la magie de ce soir-là. L’esprit de Pauline était là, les enfants de Pauline étaient dans la salle, les amis de Pauline étaient dans la salle, le public était là, même si on n’entend pas les applaudissements, que j’ai, moi-même, et je l’assûme, sciemment demandé qu’on retire, parce que j’ai envie que ça tourne à la radio.

Je suis toujours agacée par un applaudissement plus fort qu’un autre, ou un monsieur qui crie « Bravo! » entre la deuxième et la troisième chanson. Après six fois, je n’en peux plus de l’entendre (rires). Vous comprenez ce que je veux dire? Donc, on a gardé la vérité quoi, la fragilité peut-être. Parce que, pour ces filles-là, chanter des chansons qui ne sont pas les leurs… D’ailleurs Laurence n’a jamais eu autant le trac, parce qu’elle voulait être à la hauteur de Pauline! On voulait garder ça, mais on voulait aussi que ça tourne à la radio en même temps. Donc, on a retiré les applaudissements. Mais je sens quand même les vibrations des gens qui étaient là, parce qu’il s’est vraiment passé quelque chose ce soir-là. J’ai assez bien connu Pauline pour savoir que c’est ce qu’elle aurait aimé aussi, ce feu-là, cette vérité-là, cette sorte d’énergie très vive, très brute.

 

Femmes de feu
Disque hommage à Pauline Julien
Avec Luce Dufault, Laurence Jalbert, Jorane et Marie-Jo Thério

 

Plus d’information ici :

http://sixmedia.ca/communiques/femmes-de-feu/

 

 

L'Étranger

Quand j’étais petite fille
Dans une petite ville
Il y avait la famille, les amis, les voisins
Ceux qui étaient comme nous
Puis il y avait les autres
Les étrangers, l’étranger
C’était l’Italien, le Polonais
L’homme de la ville d’à côté
Les pauvres, les quêteux, les moins bien habillés
Et ma mère bonne comme du bon pain
Ouvrait sa porte
Rarement son coeur
C’est ainsi que j’apprenais la charité
Mais non pas la bonté
La crainte mais non pas le respect
Dépaysée, au bout du monde
Je pense à vous, je pense à vous
Demain ce sera votre tour
Que ferez-vous, que ferez-vous
Dépaysée au bout du monde
Je pense à vous, je pense à vous
Demain ce sera votre tour
Que ferez-vous, que ferez-vous
Aujourd’hui l’étranger
C’est moi et quelques autres
Comme l’Arabe, le Noir, l’homme d’ailleurs, l’homme de partout
C’est un peu comme chez nous
On me regarde en souriant
Ou on se méfie
On change de trottoir quand on me voit
On éloigne les enfants
Je suis rarement invitée à leur table
Il semble que j’aie des moeurs étranges
L’âme aussi noire que le charbon
Je viens sûrement du bout du monde
Je suis l’étrangère
On est toujours l’étranger de quelqu’un
Dépaysée, au bout du monde
Je pense à vous, je pense à vous
Demain ce sera votre tour
Que ferez-vous, que ferez-vous
Dépaysée au bout du monde
Je me prends à rêver, à rêver
A la chaleur, à l’amitié
Au pain à partager, à la tendresse
Croyez-vous qu’il soit possible d’inventer un monde
Où les hommes s’aiment entre eux
Croyez-vous qu’il soit possible d’inventer un monde
Où les hommes soient heureux
Croyez-vous qu’il soit possible d’inventer un monde
Un monde amoureux
Croyez-vous qu’il soit possible d’inventer un monde
Où il n’y aurait plus d’étranger

Pauline Julien

Publié dans Les marcheurs de rêve

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