Un escalier vers la lumière

Publié le par la freniere

Je ne crois pas en Dieu mais j’aime que la prière remplace le travail. Je suis un morceau d’ermite, de paysan, de poète, un morceau de chacun. Chaque instant est un morceau d’éternité. Chaque oiseau, chaque fleur, chaque pierre est un morceau d’amour. Le vent éparpille la nuit dans le pollen des étoiles. Toute naissance est un adieu, toute mort un au revoir. Je tiens le monde ouvert sur les pages d’un livre. Ce n’est rien le corps, c’est l’âme qui importe. Ce n’est pas l’air qui soutient la grande affiche du matin, ce sont les yeux qui la regardent.

        

L’argent à force de nous plier les ailes, de nous ronger les sangs, nous a rendus boiteux. On a toujours une jambe qui dit merde à l’autre. La tête et le cœur sont à couteaux tirés. Le nécessaire et l’essentiel s’opposent au lieu de s’entraider. Il ne faut pas chercher la vie où elle n’est pas. Elle est peut-être dans nos souliers. Chaque orteil doit chanter sur la portée des routes. L’unicité de chacun sert de liant au monde. C’est la prégnance des détails qui engendre le tout comme les poils d’un pinceau sur la toile d’un peintre.

        

L’orgueil du paon peut se comprendre. Sa queue lui appartient. Les apparats de l’homme sont des habits d’emprunt. Tout ce qu’il touche finit par se salir. On tue la bête pour habiller les riches. Pour une bague en or, un diadème, un rubis, on met en esclavage des villages complets. Qu’ais-je besoin d’une montre pour traverser le temps ? La mémoire des choses n’a pas besoin de mots. Ce sont les mots qui y prennent leur sens. La lumière découpe le friselis des arbres. Trois chevreuils s’enfuient. Leurs culs blancs font des bonds dans la brume d’automne. Des oiseaux dorment en boule sur les branches d’un orme, couvant l’œuf d’un chant. Toujours, nous attendons le pain. La faim grandit jusqu’à la mort. L’homme est comme l’ombre témoignant du soleil.

        

Il y a tant de place pour la misère de l’homme, en reste-t-il pour l’amour ? Il y a des nuits où la lumière vient du sol, des jours où le soleil n’est qu’une ombre. La poésie foudroie comme l’éclair qu’on n’entend pas. Des bois de résineux découpent l’horizon. De colline en colline, le rouge des érables nous rappelle à l’exigence de vivre, une exigence éthique, un affinage de l’âme. Il faut se dépouiller le plus possible. Ce ne sont pas les choses qui font les souvenirs, ce sont les souvenirs qui leur donnent du sens. Ce que l’on donne reste en soi, plus riche que de le posséder. Chacun est lui, sinon personne. Pour que le monde soit viable, chaque homme doit se tenir debout.

        

De l’un à l’autre passent des messages sans qu’il y ait besoin de mots. Tout parle autour de nous. Je l’enregistre avec mes pas, mes gestes, mes neurones, mes images à la limite du flou. L’exacte mesure de tout est souvent le plus petit. J’intègre à défaut de comprendre. Depuis ma finitude, je fais ce que je peux. Je ne suis qu’un oiseau cherchant pitance dans le givre. Je construis avec de l’ombre un escalier vers la lumière.

Publié dans Prose

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C
<br /> Je ne suis qu’un oiseau cherchant pitance dans le givre.<br /> <br /> <br /> On dirait du E. Dickinson. Merci JML<br /> <br /> <br /> Christiane<br />