Un peu plus d'ombre au dos de la falaise

Publié le par la freniere

Au portique mal éclairé de mon langage

c’est vrai que je me débats comme un fou

pour fuir cette place à l’ombre

comme c’est vrai que je déchante à ras de songe

comme c’est vrai pareillement

que je couvre de langes mes blasphèmes

et ma complainte   garce en deuil   me déshonore

dont je bafoue la jouissance maternelle

et la joie   femme dont je révère la mémoire

je la salue bien bas de mes prunelles de sel

 

jadis   je logeais au motel de l’azur

j’étais curieux comme une fenêtre

quand subite   la parole éclate dans la vitre

déchirant la draperie de mes rêveries

 

j’ai croupi longtemps sur la plage averbale

sans savoir si j’espérais un monde à ma mesure

ou si devant le blason de mon lignage

ou si dans le sablier de l’existence   j’allais périr

 

puis la nuit s’est éteinte

je me suis alors acharné de toute mon haleine

à ne pas m’éveiller   à ne pas m’endormir

je me suis appliqué de toutes mes veines

à reconstituer les mobiles du délire

je me suis condamné de toutes mes chaînes

à retracer les lumières de l’ordre originel

je me suis attelé à la tâche souveraine

de faire l’élevage de ma voix mise à nu

 

mais l’enfance m’enfonce dans le dos

impitoyable son chalumeau

 

Gilbert Langevin

Publié dans Poésie du monde

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