De a à z

Publié le par la freniere

Il n’y a rien nulle part qui ne cherche à savoir ce que savoir veut dire. Il n’y a rien partout qui ne cherche à aimer. Je ne compte pas mes pas. J’avance sans savoir où je vais. Si jamais je me couche, ce sera pour embrasser la terre d’un peu plus près du ciel. Jetez mes cendres dans la mer, mes poèmes aux oiseaux. Écrire, c’est comme planter un arbre. On n’en verra qu’à peine la croissance. Je n’écris pas en ligne droite, de a à z. Je zigzague. Je fais des bonds dans le temps. Je lièvre. Je chevreuil. Je funambule Je fais le vent et le venté, la mer et le noyé, la montagne et le vide. Je ramifie. Je tige. Je vertige. J’habille la peau d’une autre peau. Je fais la nuit et la lumière. Je fais le rêve et le réel. Je fais le singe et le savant, le vieillard et l’enfant. Je fais des signes à l’infini. Je n’écris pas de haut en bas. Il n’y a pas un vide qui ne trouve son plein. Il n’y a pas d’atome sans univers, pas un puzzle sans pièce manquante, pas un homme sans un cœur à trouver. Quelque chose se cherche en moi et je ne sais pas quoi. Je transporte une valise de vocabulaire que je dois alléger, un portuna d’espoir aux scalpels rouillés. Quand j’écris, j’ai les yeux dans les doigts, des oreilles en papier. J’ai des gestes d’encre noire. J’aligne deux phrases l’une sur l’autre. Une fourmi traverse entre les lignes quand ce n’est pas un troupeau d’éléphants.

        

Sans caresse à donner, le bout des doigts reste ignorant. Le bras est incomplet. La main perd sa chaleur. Je traverse à la plume un espace béant. Je dessine un bonhomme, le nez bien installé au milieu de la figure, les yeux un peu plus haut, les oreilles en chou-fleur avec des poils de carotte coincés dans le vestibule. Un seul trait de cheveux se balance sur le crâne. J’ai la main d’un enfant sur ses crayons de couleurs. Mes ronds sont plats et mes lignes en zigzag. Des fées s’ébrouent dans les bosquets. Ne sachant pas l’adage, l’ange qui passe fait chanter le silence. Des gnomes scient du bois sur le plancher des mots. Une pluie d’encre tombe sur la sciure des phrases. J’apprends à lire dans les jambages d’un ruisseau. J’apprends à rire aux pierres tombales. J’apprends à vivre un peu plus haut. Le vol  d’un oiseau laisse des ailes dans mes yeux. 

        

Le jour n’efface pas la lumière de la nuit. Il en garde les traces dans chaque ombre qui bouge, un bout de rêve, un doigt de lune, un peur d’enfant dans les minous de poussière. Je ne suis pas dressé comme un caniche de foire. J’avance à pas de loup sur mes pattes d’écriture.  J’enterre pour l’hiver quelques verbes d’été. Les os ne dorment pas sous mon habit de peau. Ils m’empêchent de tomber. Je cherche mes pas dans mes souliers alors qu’ils courent sur la route. Je me promène le cul du cœur à nu entre la parole qui fait briller la langue et celle qui l’éteint, la lumière du chant et l’ombre du silence. Sur le plancher des mots, on doit laisser des papiers gras, des bavures, des miettes. Ça doit grincer aux entournures, faire des galipettes. Si je mets des ailes aux mots, c’est que le légitime est devenu le pire. Si je parle d’oiseau, de rosée, de fougère, c’est que j’entrevois des forêts sans arbres, des matins sans aube, le ciel trébuchant sur la ligne d’horizon, le grotesque côtoyant le sublime. Comment tenir debout dans un monde qui penche ? J’entre et sors de ma vie par la mauvaise porte. Je reste au bord du vide avec seulement  des mots pour tenir le ballant.

Publié dans Prose

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