Dans le vide
Il m’avait dit : dans six mois
c’en sera fini de moi
et de mon cancer.
Il voulait que j’aille le voir
dans sa montagne, là-bas.
Il voulait me donner ses livres
avant le grand voyage.
Passant par là il y a peu,
j’ai appelé, voulant m’arrêter,
mais ce jour-là, il n’y était pas.
Peut-être l’avait-on conduit à l’hôpital,
Peut-être était-il assommé de médicaments,
ou si occupé à tromper la solitude
en tête-à-tête avec sa bibliothèque
que plus rien ne pouvait l’atteindre...
Comment savoir ? Il m’avait dit aussi
qu’il n’avait plus ni famille
ni amis sur qui compter.
Je n’y suis pas retourné. Bêtement,
j’ai laissé passer le temps.
Mais à plusieurs reprises depuis
j’ai tenté de l’appeler, en vain,
la gorge nouée, imaginant là bas
le téléphone qui sonne
dans une maison vide.
Et c’était un peu comme si j’avais,
silencieuse,
la mort au bout du fil.
Michel Baglin