Cousine des écureuils

Publié le par la freniere

Emily Dickinson (1830-1886)

Chacun de nous s’en serait moqué
De la petite ivrogne de rosée
Vieille fille aux yeux de confitures

Cachant la littérature dans son tablier


( …)


Sur le papier rose-brun du boucher

Et sur les vieilles enveloppes
Elle notait légèrement les toutes nuances
De toute son appartenance

À l’immensité possible

Elle perdait le souffle

En voyant le geste du soleil

Enflammant la queue de l’écureuil

Elle respirait comme une colline

Avec deux petits poumons étroits

(…)

En regardant passer l’abeille

Dans la carriole de miel

Elle laissait dans la galaxie

Du champ de trèfles célèbres

Les craquias innocents grafigner

Sa belle robe jaune

Si elle murmurait parfois
Une journée
Au secours
Une autre journée

Elle sarclait le désespoir

Proprement avec ses belles manières

Voyez-vous

Si on parlait fort

En sa présence

Elle montait à sa chambre

En s’excusant d’un petit sourire

Je ne sais pas si elle aimait son corps

Est-ce qu’on aime vraiment l’univers

Les nuages infestés de paix frileuse

Se retiraient dans l’herbe
Le chant de l’engoulevent piquait l’écho

Et s’allait perdre dans les pores des feuilles

Le bobolink chantait pour elle

Elle le remerciait souvent

De chanter près d’elle

En écrivant son nom souvent

Et je l’entends facilement
Répéter doucement
En balayant un presque rien

De poussière blonde bobbolink
            Bobolink bobolink

Emily n’était pas très connaissante

Emily n’est pas au courant

Emily n’avait pas d’opinions

Rien que des illuminations

C’est clair qu’elle savait ce qu’elle voyait

Qu’elle entendait délicieusement

Qu’elle goûtait vraiment qu’elle touchait

Lumineusement qu’elle sentait

Elle ne connaissait

Que ruisseaux et étangs

Et le mot maelstrom

Lui serrait le cœur

Elle était naïve Emily

Naïve comme le diable

Et parfaitement sceptique


Plus douce que sage

Elle traversait des après-midi

Avec une émeute dans le cœur

Et un espoir farouche

Comme les premières locomotives

Elle savait

Qu’elle était

La plus petite

Dans la maison

(…)


Michel Garneau    Émilie ne sera plus jamais cueillie par l’anémone, théâtre

Publié dans Glanures

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