Derrière la porte

Publié le par la freniere


J’ai cessé de boire.

J’avais un verre de trop

dans mes larmes,

un poing sous mes caresses,

un goulot d’amertume

tailladant l’espérance.

 

Je marche tête nue

sans même de cheveux

et je porte mes rides

comme on porte un sourire

dans le visage de ses pas.

J’ai la bouche pleine de fleurs

pour la faim des abeilles.

 

J’entends des pas derrière la porte

dans la colère des chiens,

les mots qu’on n’a pas dits,

le silence insupportable des oiseaux

quand ils sentent la mort.

 

J’entends rêver dans l’arbre

les sèves endormies.

J’entends le bruit des yeux

dans la chambre des larmes

sans que personne ne pleure.

J’entends la vie qui bat.

 

J’entends rire le vent

dans un rictus d’orage

et les éclairs autour

dessiner leurs fissures

dans les briques du ciel.

 
 
                                                                                                Quand je disparaîtrai

en planche, en bois de grange,

en cidre, en eau d’érable

je reviendrai sans doute

en flûte ou en guitare.

Je ne reviendrai pas

en porte ou en matraque.

À la fois île et mer

j’aurai des algues dans les yeux.

La mort dépouille toute chose

des épluchures inutiles.

Je reviendrai comme un oiseau d’hiver

qui se prend pour un fruit,

le vent qui sait nommer

la différence des feuillages.

 

Vous qui m’avez vu vivre

ne soyez pas surpris

qu’une pierre vous parle.

Les morts sont à l’écoute

et donnent des conseils.

Encore gonflés de gestes

les souvenirs s’agitent

au passage des phares.

Ceux qu’on a revêtus

avec sa propre peau

par les soirs froids d’hiver

viennent partager le pain

de nos voyages dos à dos.


Le soleil brille

derrière les portes

que l’on n’a pas ouvertes.




 

Publié dans Poésie

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