Sous ta robe de joie
Je te tiens par la taille. Tes seins pointent sous ta robe de joie. Je ne cesserai pas de te parler d'amour. La tendresse nous mène où nous voulons aller, le reste importe peu. Où la parole va s'éteindre, nous ranimons le feu. Tout comme le soleil du matin, la pluie sur le jardin, les poils sur la peau, les vagues sur la mer, les mots sont un miracle. Il n'y a rien à comprendre. L'amour est sans cesse à refaire.
Je suis toujours étonné par la puissance des mots mais je crois que les mots sont avant tout ceux qui les disent. Il s'agit de s'aimer là où la parole semble morte, de retrouver les rêves de l'enfance sans renier les ans ni compter sur le temps. Notre rencontre m'a rendu à la vie. Entre nos bras unis, l'inconnu et le connu se côtoient. Chaque mot, chaque geste font partie d'un grand tout sensible.
Tu es venue à moi comme une paume qui masse, une bouche officiante, une orante en prière. Est-ce que mes mains te ceignent bien la taille ? Est-ce que mes mots t'écoutent avec assez d'espoir ? J'ajuste mon accent aux fleurs de tes robes, mes pas à tes souliers, mon langage à ta chair et mes ombres au soleil. Je suis un tournesol qui pivote vers toi, une pierre à l'écoute. Chaque livre qu'on lit est une porte qui s'ouvre. Chaque page est une vague qui s'ouvre sur la mer. Tu allumes le rêve sous mes cheveux défaits, l'oeil magique dans l'âme, les fleurs sous la neige. Je réveille pour toi les animaux qui dorment dans leur livre d'images.
Je pense à toi depuis toujours, tes yeux comme des balises, tes mains comme des rames dans les courants marins, ton ventre comme une île qu'agiteront mes vagues. Nous sommes les fils entrecroisés d'un tissu d'infini, un pain mis en ménage sur la table du coeur. Je n'aurais jamais cru aimer autant. Tes robes de coton ont brisé mon armure. Je me lève chaque nuit pour t'écrire un poème. Je me réveille pour t'aimer.
L'hôtel de mes paumes n'a qu'une chambre pour toi, un lit de romarin, une armoire de fleurs, des phrases d'herbe tendre sur un tapis volant, des mains de pluie sur le désert du temps. Mon rêve a déserté les rails du réel. Mon coeur est au foyer comme une lunette d'approche. Je te regarde sans un flou. C'est beau ce que je vois. C'est doux ce que je touche avec mes lignes de vie.
Je m'accroche à tes hanches pour retenir la vie, pour écarter le malheur, pour contredire la mort. Je descelle un à un les murs de la raison et j'arrondis les angles sur les cubes du réel. Le miel de ma voix prend des couleurs d'abeille. Mes yeux sortis de la tête ont des ailes d'oiseau. Ma langue est un pinceau sur la toile de ton corps. Mon rêve se fait beau pour danser avec toi.
Je me croyais muet, je passe des heures à te parler de rien mais de tout. Une main dans ma tête ouvre les doigts du sens. Les arbres sont aux oiseaux et les vergers chantent la pomme. Tout l'horizon se dresse sur ses pattes de derrière pour embrasser le ciel. Des nuages de pluie donnent la becquée aux fleurs. Le soleil donne la tétée aux fruits. Lorsque tu prends la mer, je me noie pour devenir poisson. Quand ta peau blanche fait la lune dans les humeurs du lit, je fais la vague moi aussi. Les yeux dans la douceur, tu dors en me tenant la main. Nous sommes l'un et l'autre à la fois l'un pour l'autre. Il y a toujours en nous quelque chose qui dépasse, nous dépasse, nous survit.
Parmi les nombres qui s'annulent, mes mots avancent avec leurs lettres sur le dos. L'amour, l'amour, je ne connais rien d'autre qui soit plus proche des sources. Mon feuillage s'abreuve à tes racines devenues miennes. Si je meurs loin de toi, je mourrai deux fois. Le mot désert dans ta bouche retrouve la mémoire de l'eau. Je suis avec toi quand tu dors. Mes mots sont comme un peu de terre, des vagues caressant ton sommeil.
Pour endormir la peur, je berce tes caresses dans le hamac des mains. Pour entendre ta voix, j'écoute la prière du vent dans l'église des arbres. Derrière tes épaules, le soleil dessine une ombre de fillette sur les marches des livres. Il y a tant de baisers sur l'étagère de ta voix, la confiture du coeur, un miel de rosée. J'ignore pour le reste, mais des pieds à la tête je ne suis qu'un frisson. Les aveugles qui ne voient pas le ciel ont des étoiles dans les yeux.
Belle comme des milliers d'étoiles, tu ne laisses pas d'ombre sur le seuil des portes. Tu laisses les enfants se barbouiller de soleil, les chats griffer l'azur et le chiendent rougir sous la caresse du vent. Il suffit d'une seule main dans la mienne pour soulever le monde, la tienne mon amour, celle de ma fille ou de mon fils, un seul doigt de bonheur sur la paume du temps. Quand je t'ai rencontrée, les aiguilles des montres se sont mises à danser. Elles tournent encore comme des broches de bécique. Malgré tant de barreaux, de blessures et de balles, je suis heureux de vivre. Le monde malgré tout est un berceau d'enfant.
Je t'aime à cent pour cent. Je compte comme je peux. Un, deux, trois, beaucoup. Infiniment beaucoup. Plus chaud que le soleil, plus ciel que nuage, plus loin que les mots ne le disent. Je t'aime à mille pour cent. Plus neige que flocon, plus miel qu'une abeille. Je t'aime avec mon coeur, ma peau, et même avec ma tête. Je suis resté l'enfant qui découvre la mer. Le monde est un livre d'images. J'ajoute des virgules au corsage des fées, des moustaches au soleil, des ailes aux éléphants, des sornettes aux serpents, des sonates à la lune, des sonnettes aux sonnets, des sansonnets, des chansonnettes. Les branches du sommeil ont des feuilles de rêve. Les branches de lunettes soutiennent l'horizon. Les branchies des poissons réveillent l'eau qui dort.
Tu es comme une pluie qui scintille au soleil. un arc-en-ciel dans la brume, une île d'apaisement sur la mer déchaînée, le wagon du rêve parmi le train des choses. L'espoir est cette gare invisible dans les yeux des vaches, le cerf-volant sans fil que tirent les oiseaux, le phare qui s'allume dans les yeux des noyés, le murmure des sourds qu'entendent les muets, les dessins noirs des aveugles sur la lumière du jour, les battements de l'amour dans la nuit rouge du coeur.
Ton corps porte ton âme comme une amande intacte. Tes pas sur le sable lui donnent sa couleur comme tes mots sur la page redonnent la chaleur à la langue endormie et libèrent l'abeille enfermée dans la fleur. Quand tu dors, je suis comme l'oiseau qui vole en refermant ses ailes pour ne pas t'éveiller. J'ai trouvé dans tes pas mes racines perdues. Laisse mes doigts de neige récolter l'origan. L'homme grandit de ce qui le grandit. Tu m'élèves si haut, je touche l'horizon avec mes doigts de pied.
Pour que naisse la fleur, j'emmêle mon pistil à tes propres pétales. Pour éviter l'ornière, je pédale à l'envers sur un vélo d'espoir. Je compte les étoiles sur les doigts de ta main. Pour conjurer l'hiver, je te fabrique un châle avec des brins d'août, un chapeau de muguet, un collier de cerises. Je t'envoie par la poste des mots à la framboise, des poèmes de miel et des tartes d'images. Avec les bras de l'encre, je nage vers ton île sur la mer des mots. Je sème notre amour sur le globe terrestre. Je navigue à l'estime sur les chemins de l'eau. Ta lumière traverse le verre de mes yeux.