Inconsolable
Dernier lit
Je veux vibrer
je veux aimer et m’insurger
dernière frontière
dernière fissure
Jusqu’à la lie
je veux rêver
ne me dites pas
ne me demandez rien
À la porte du nulle part
étonné de la beauté des arbres
du rire des oiseaux à jamais noyés
Je partirai
blessé de cette nuit
jetée comme un silence
sur la cavale des impalas
Il est trop tard
trop de défaites
de rivières décousues
aux méandres de l’espoir
ne me dites pas…
Je partirai
vers le vide sidéral
en berne des cent soleils de mars
qui ne reviendront pas
dans l’odeur blafarde du froid
je partirai
sans fermer la porte
Ne me demandez rien
ne me demandez pas de croire
je suis d’ici et maintenant
poussière extasiée
aux frontières du dernier souffle
jusqu’à la lie
je veux vibrer aimer et m’insurger
partir meurtri
de toutes les soumissions
partir fou
de la douleur des hommes
partir révolté
du vol brisé de l’oiseau fusillé
Ne me demandez pas…
ne me demandez rien
je ne veux pas mourir
sous le regard bienveillant
d’une matrone qui blasphème
d’une matrone folle
qui sourit à la mort
Pourquoi prétendre aux délices
d’un peut-être ailleurs
moi, je suis d’ici
à la porte du dernier ailleurs
je veux partir
ta peau gravée dans ma mémoire
un rire d’enfant dans les bagages
à la porte de la dernière seconde
dans le fracas du monde
en mille chants disloqués
en l’absence même du néant
Je partirai
la vie fermée par une conscience borgne
je partirai
jusqu’à l’ultime
Je veux vibrer aimer et m’insurger
je veux rêver.
Jean-Michel Sananès La diagonale du silence, Éditions Chemins de Plume