Un livre

Publié le par la freniere


Ce n'est pas moi qui bouge mais les mots qui se touchent. À défaut de silence, je m'engouffre dans un cri. J'ai des bosses étranges sur les bras. Des mots me poussent sous la peau, des phrases entières, même des paragraphes. Je ne suis plus qu'un livre. Quand j'avance d'un pas, j'entends le crissement des pages. Je me fais du sang d'encre, un cœur en Garamond, une âme en Elzévir. Les mots m'empêchent de courir mais aussi de mourir. Je me gratte pour me lire. J'aimerais mieux des caresses. Je tends la bouche vers le vide pour le remplir de mots. Je tends la main d'une virgule à l'autre. Je trébuche entre les parenthèses. Mes vertèbres ne sont qu'une colonne verbale. Mes neurones se confondent aux voyelles. En creusant la mémoire, je cherche la première copie, le brouillon d'origine. Les doigts sont des réponses à la main des questions. À partir de quel mot ais-je commencer de vieillir ? Les verbes se conjuguent à mes rides. Je porte en moi des lettres qui s'égarent et cherchent la parole. Mes mains font des gestes d'images et laissent sur l'épaule une phrase incomplète. Je ne m'habitue pas à dormir en virgule, la tête sur un point et les pieds dans la marge. J'ai les joues qui rougissent comme des métaphores, des bosses sur les bras et des ampoules aux pieds. Je ne vis plus, j'écris.


Publié dans Prose

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