Le goût des pommes volées

Publié le par la freniere


Les arbres morts nourrissent le ventre de l'humus. Les fleurs d'un charnier transfigurent la mort. Chaque jour est sacré. Chaque matin, j'écoute la prière des oiseaux dans l'église de l'air, la messe des cigales, la communion des bêtes sur le bord d'un ruisseau, le tintement des épines dans le silence d'un bosquet. Je vis constamment dans le prolongement du paysage. Comme un oiseau prieur, je prends du bec d'un stylo un fragment de l'espace, un ersatz d'éternité. Lorsque je marche dans les bois, le craquement des écorces, le crissement des insectes, le vent sur les fougères, je les entends aussi bien dans mon corps qu'à l'extérieur de moi. Avec le temps, le passé précède ce qui sert de présent. Chaque geste posé entraîne le mouvement. Nous sommes tous aimantés au même cœur commun. J'ai souvenir de l'eau, de la terre et du vent. Le goût des pommes volées m'est resté sur la langue, le son de l'absolu qui se mêle au néant, les bactéries du rêve dans les moisissures du réel. Je ne grimpe plus aux arbres mais je suis resté les mains accrochées aux nuages. J'écoute la forêt me raconter les arbres. La sève change d'un fruit à l'autre. J'écris du côté végétal des mots. Pas de courrier depuis 2 jours. Des petites fées des bois squattent ma boite aux lettres. Les souliers de la mort sont restés sur le seuil. C'est à peine si ses pas réveillent le silence. L'arbre mort est en fleurs. Il a suffi d'une pluie et d'un peu de soleil. Entre les lignes d'un poème, le pas des bêtes se mêle à l'ensemble verbal. Il arrive qu'un tréma me sépare de tous mais une simple virgule me relie aux étoiles.

 


Publié dans Prose

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