L'impatience du monde 4
Les mots sont un œil sur les lèvres, les rides au front des anonymes. Quand je nomme la bonté, j’essaie de ressembler aux phrases que j’écris. J’ai toujours été de l’autre côté, celui du cœur où l’argent n’a pas accès. Quand je mange un poisson, il rejaillit vivant au milieu d’une phrase. Les larmes des enfants ternissent les armures. Les paysages nourrissent le regard. Les yeux nourrissent ce qu’ils voient. Je ne suis pas la route. Je fouille les détours. J’ai dans les mains des yeux blessés, des clefs qui brûlent, des mots qui brillent. Le fruit qui tombe ne renie pas la branche. Il redonne à la bête les caresses de l’arbre. Dans les fragments du monde, nous ne sommes rien sans percevoir le tout. Parmi les arbres aux mains levées, je redresse l’échine.
J’ai mis mon poing dans la gueule des larmes. Le temps qui manque aux fleurs coupées, la sève n’y peut rien. La mer est toute entière dans un seul poisson, la forêt dans un arbre, le monde dans un geste. Où vont-ils tous ces gens ? Où vont-ils si pressés ? Peu leur importe la vie, ils veulent tous mourir plus riches. Les cours de la bourse sont devenus prières, les bruits des kalachnikovs sont devenus sourates. Y a-t-il un rendez-vous que je ne connais pas ? Je m’égare quand je quitte les mots. Je me ferme comme une huître. À peine rentré dans les mots, je redeviens un cœur ouvert, une table qu’on met pour le passage des amis, un livre qui s’écrit sans savoir pourquoi. Pourquoi vieillissons-nous ? La vie ne mûrit pas. Elle reste toujours verte. Elle renaît chaque matin.
Enfant, j’aurais voulu être le biographe de l’infime, le géographe des broussailles, le cartographe des cailloux, surtout les plus petits, ceux qui marchent avec nous dans nos propres souliers. Chaque doigt est une fleur dans le bouquet d’une main. Il faut sans cesse l’arroser avec des gestes neufs, les plus tendres possibles. Serrées sur un outil, tendues par le désir ou jointes en oraison, les mains accompagnent les mots. Elles forment dans l’espace des phrases digitales. Enfant n’est pas un mot d’enfant. C’est un mot d’adulte. L’enfance parle avec ses mains, ses pieds, ses yeux. On ne pèse pas lourd contre le poids du monde, quelques gouttes de sang sur la blancheur des mots. Il arrive parfois que l’on traverse l’apparence pour être qui nous sommes.
(...)
J’ai mis mon poing dans la gueule des larmes. Le temps qui manque aux fleurs coupées, la sève n’y peut rien. La mer est toute entière dans un seul poisson, la forêt dans un arbre, le monde dans un geste. Où vont-ils tous ces gens ? Où vont-ils si pressés ? Peu leur importe la vie, ils veulent tous mourir plus riches. Les cours de la bourse sont devenus prières, les bruits des kalachnikovs sont devenus sourates. Y a-t-il un rendez-vous que je ne connais pas ? Je m’égare quand je quitte les mots. Je me ferme comme une huître. À peine rentré dans les mots, je redeviens un cœur ouvert, une table qu’on met pour le passage des amis, un livre qui s’écrit sans savoir pourquoi. Pourquoi vieillissons-nous ? La vie ne mûrit pas. Elle reste toujours verte. Elle renaît chaque matin.
Enfant, j’aurais voulu être le biographe de l’infime, le géographe des broussailles, le cartographe des cailloux, surtout les plus petits, ceux qui marchent avec nous dans nos propres souliers. Chaque doigt est une fleur dans le bouquet d’une main. Il faut sans cesse l’arroser avec des gestes neufs, les plus tendres possibles. Serrées sur un outil, tendues par le désir ou jointes en oraison, les mains accompagnent les mots. Elles forment dans l’espace des phrases digitales. Enfant n’est pas un mot d’enfant. C’est un mot d’adulte. L’enfance parle avec ses mains, ses pieds, ses yeux. On ne pèse pas lourd contre le poids du monde, quelques gouttes de sang sur la blancheur des mots. Il arrive parfois que l’on traverse l’apparence pour être qui nous sommes.
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