Chant du royaume des langues coupées
A D. S.
Pauvre enfant sans père
qui n’a pas demandé à naître.
Enfant né d’un ventre loué comme une poubelle.
Enfant du vacarme et de la folie.
Enfant conçu dans la ruse et la cruauté abyssale
Enfant martyre fêté sous les pleurs diluviennes
des déités du ciel irrité.
Otage de trois jours
baptisé dans la boue, le stupre et la vodka.
Enfant du mensonge et de la haine d’autrui.
Enfant de la sorcellerie d’une caricature de chamane.
Enfant de l’asphyxiante fumée qui le fait tousser,
dans le lupanar monotone.
Enfant de la jalousie, de la violence et de la pourriture
qui galope en silence sous son berceau.
Enfant de Satan nourri au lait de vipère
et au luxe obscène blanchi par la cocaïne.
Eternelle présence des choses tues.
Puissent tes stigmates te rendre
l’innocence de l’azur.
Je chante, dents serrées, pour demeurer en vie.
Sous le sourire, il y a une langue coupée.
Tatiana Théodorescu
traduit du roumain par Leonora Campbel