Dans le bois
Je t'emmène au fond du bois. Tu guériras les faons malades. Je nourrirai les vieux galets. Nous parlerons de tout de rien et le soleil par le trou des nuages nous rendra le salut. Nous conterons fredaine aux frelons sous les frênes et nous ferons l'amour. Nous sourirons aux suisses, aux tamias, aux lièvres et nous recommencerons. Ton corps entre mes mots, nous jouerons à la joie. Il y a des oies partout dans le ciel du désir, des biches heureuses de nous entendre rire. Il y a des doigts au bout des mains qui ne demandent qu’à aimer.
Je t’emmène à la source. Nous goûterons les mûres, le coeur des amandiers, le baiser des framboises, les frissons du pollen, le sucre des érables. Nous nagerons ensemble en nous mangeant l’un l’autre. J’atteindrai la berge et je crierai ton nom. Nous glisserons sur la lande en griffant l’absolu. Une goutte de rosée désaltère le vent. Nous naîtrons à la grâce sous le regard d’un ange.
Je t’emmène vers le lac. Nous déplierons les mots dans le coffre du coeur. Nous n’avons rien à taire de nos désirs. La vie s’étire autour de nous. La chair se palpe. La chaleur se répand dans les espaces ouverts. L’air déplie ses doigts sur les muscles du bois. Le cycle des parfums embaume nos caresses. À chaque chant d’oiseau, nous répondrons présent. La main poursuit le bras, la caresse les doigts. Ton corps à l’infini prolongera le mien. Nous nous enlacerons comme des mots sur la page, des vagues sur la mer. Nous boirons la lumière à même notre peau.
Je t’emmène à la petite cabane. Nous y ferons l’amour tout le temps des chevreuils, des arbres, des montagnes. Nous mêlerons nos yeux aux regards des astres, nos paroles au silence. Nous nous réchaufferons à la chaleur du bois. Le monde est rond comme tes seins. La nuit est douce comme ta peau. La mie du pain s’enflamme dans la lumière diffuse. Les cheveux fous, le cœur haletant, je me retournerai dans ton rire de fée. Qu’importe que le temps nous manque, l’éternité nous prend dans ses bras infinis.