La rue

Publié le par la freniere

 

Le drame de la rue, c’est qu’elle ne se promène jamais.

Elle est fixée au sol par un procédé roublard : genre de colle qui durcit jusqu’à se faire oublier. Et ça marche. Ça ne fait même que ça.

La rue a des fourmis plein les gens. Des trajectoires surplombantes à filer le tournis en sens opposés.

La rue n’est pas reconnue pour elle-même. Sa réputation s’établit en fonction d’une histoire périphérique, la beauté des façades, l’attraction des devantures qui la bordent.

Les rues dépourvues de pedigree trouvent là un motif de consolation.

Les chaussées forment un peuple d’esclaves, maintenus dans les fers de l’ignorance, rendus plus bas que terre, même lorsqu’ils se situent au dessus du niveau de l'amer.

Certaines rues sont ridées, crevassées, parsemées de trous et de bosses. Elles demandent réparation. Les droits de la rue sont inexistants, pour ainsi dire foulés aux pieds en permanence. Son lifting repose tout entier dans des volontés qui la dépassent et la martèlent.

La rue accueille tout le monde, y compris les exclus. Être à la rue signifie que, d’une manière et de mille autres, on s’est fait marcher dessus au point de décliner jusqu’à l’indignité du bitume.

Toutefois, le comble de la rue est ailleurs. Ce qui explique son désarroi ultime et nourrit une susceptibilité rentrée, c’est que plus elle est passante, plus elle a l’air empruntée.

 

Jean-Michel Niger

 


Publié dans Glanures

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