La volonté
Le corps est tombé, mais sa volonté est encore debout. Nous voyons cette volonté, droite et alerte, sa distinction solidaire d'avec la forme recroquevillée. La volonté parle. Elle promet l'avenir. Elle affirme qu'il se tient intact, quelque part, en retrait. Il pourrait bientôt revenir. Il surgira bras dessus dessous en compagnie de l'espoir, tels des fêtards éméchés s'encourageant sous la nuit. Nous croyons cette voix. Peut-être avons-nous vu sourire quelqu'un ? Peut-être même était-ce l'un d'entre-nous ? Une seule fois aura suffi. Le corps se tasse un peu plus. Nous admirons sa résistance. Nous craignons qu'elle ne trouve sa limite ce soir. Nos vies hésitantes seraient alors placées dans des petites cases, réparties entre les colonnes de journaux et des dossiers administratifs. C'est une pensée que nous n'osons pas prononcer. Nous préférons nous serrer les uns contre les autres, comme si l'addition de nos faiblesses pouvait nous préserver de l'effroi. Comme si nous pouvions édifier une forteresse avec des blocs d'angoisse. Le corps est tombé, mais sa volonté affirme encore. Nous voyons cette volonté, droite et alerte, sa distinction solidaire d'avec la forme recroquevillée.
Jean-Michel Niger