Le brouillon de Prague

Publié le par la freniere

Cela commencerait

par la fatigue d'un voyage

un nom que ne cesserait pas

de ne pas effacer ce brin

d'herbe tremblant sur la dalle

le ciel minéral le chat

là-bas

devant un jeudi de neige

(quelqu'un scrutant ses questions)

 

Le chat laissé dans sa sagesse

casanière

indifférent devant ce lent

naufrage d'arbres dans le blanc

l'erewhon lointain des nuages

de quelle éternité

détaché

 

Cela commencerait ainsi

sans raison sans soleil

par quelques mots blessés à vif

& soignés avec d'autres mots

deux dates que ne cesserait

de ne pas effacer ce bruis

d'herbes frôlant la dalle

deux enfants comptant les années

pour commenter l'âge des morts

à quelques pas de là

 

Ce serait à Prague ou ailleurs

une ville réelle

rentrant dans sa musique

& dans cet hiver dans l'hiver

il y aurait partout des gisants

le ciel ouvert leurs yeux perdus

sous le granit de leurs paupières

leurs tempes battant encore

d'acacias ivres d'abeilles

 

Raymond Farina

Publié dans Poésie du monde

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