Mouvances

Publié le par la freniere

 

Le dernier Mouvances (sur le thème du silence) est en ligne.

 

Dans les régions nord-méditerréennes,

maints villages désertés retournent à la nature.

Ils attendent dans ce qui semble irrémédiable.

 

Escarpement de solitudes

aux floraisons émancipées,

ils avaient tressé des couronnes

à pendre aux rampes et fenêtres.

 

En plein rayonnement d’étoiles,

 

sous la grêle et les feux de l’orage,

 

des jardinets perdus

 

diffusent leurs senteurs,

 

familiarité oubliée :

 

paskalia, le lilas simple,

 

roquette amère, balsamine des onguents

 

et basilic des pots à huile.

 

Aucun souffle, ni de joie, ni de peur n’anime plus le soir. Tôles tremblantes d’abris anciens, chuchotements des feuilles, cris des bêtes, bruits, appels se concertant, affranchis désormais de toute voix humaine.

 

Silence, absence de voix

que l’on aurait aimé encore entendre

se rappelant

du charme et de l’envoûtement des eaux

en chahutant près des fontaines.

 

    Le pire des silences est celui de l’absence

 

Nulle jupe lourde et chamarrée,

 

nulle promesse de soupe ou de pain,

 

aucun juron ni cri d’enfant,

 

des friches et des ronciers dans les enclos,

 

des pierres sans mortier sur les terrasses

 

et des tessons noircis.


Vigne sauvage,

 

chemins d’âne indocile

 

perdus dans la moutarde en fleur.

 

            Ce lieu est d’attente et d’attente

 

Et l’on se surprend à nommer. Nommer – orgueil et spécificité humaine - nommer et renommer : couteau, chaleur, désert, luciole, vieillesse… et jusqu’à l’innommé. Nommer et qualifier : couteau - à viande, chaleur - du cœur, luciole - éphémère, vieillesse – irrémédiable, village – abandonné…

 

Il y a eu des processions sur des lits de pétales

 

et des rondes féroces sur des musiques mâles.

 

Les plombs grenailles

 

des jours de fêtes s’amassent aux creux des seuils

 

fichés dans les rondins entassés pour le feu,

 

livrés à la vrillette, aux vers et aux termites.

 

Des chèvres endormies sortent des porches,

 

des figuiers sombres embrassent

 

les façades à l’équilibre ancien.

 

Où sont ceux des fenêtres à bavardages,

 

ceux des projets et ceux des rêves ?

 

Un volet fol au vent se ferme seul.


            N’est il pas annonceur de visite ?

 

Les filles sont parties

 

avides d’autres savoirs

 

 

laissant leurs frères désemparés.

 

Restés seuls, les vieillards n’ont plus rien

attendu,

 

que de loin, quelque ultime message

 

de ceux qui leur sont chers.

 

Espoir pour un retour ?

 

Nouvelle d’un sang neuf ?

 

qui… peut-être ?…

 

Les chats et les grillons

 

ont trouvé leurs refuges bien ailleurs.

 

          La folie même a déserté.

          Ces lieux sont d’attente et d’attente.

 

À l’ombre des cyprès des tombes

 

des cendres agglutinées aux herbes mortes

 

font un tapis de doux humus

 

aux nouvelles racines.

 

Vastes panoramas nourris aux sels du large.

 

Tard, plus tard, le soleil

 

dans l’éclat aveuglant des bitumes tenaces

 

interdira velléité, tendresse,

 

effrayant jusqu’à la plus élémentaire

 

fécondité.

 

                Le pire des silences est celui de l’absence.

 

  

Françoise Coulmin


 

Publié dans Prose

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