Vers la colline

Publié le par la freniere

Montant vers la colline, deux arbres me saluent de leurs branches. Un vieil érable bougonne dans sa barbe. Tout à coté, un tremble étiolé sifflote un air de jazz. Le temps n’est pas sûr de lui. Il hésite entre courir ou s’allonger dans l’herbe. Quelques nuages planent comme des avions de papier. Ça sent le fumier frais et la pluie qui s’annonce. J’écrirai sans parapluie avec des jambes d’eau en lignes parallèles. J’attaque la montée. C’est une route en zigzag plus tordue qu’un pommier. Un tamia me lance des clins d’œil tout en faisant ses courses d’une branche à l’autre. Le moindre noisetier lui sert de dépanneur. J’apprends la grammaire des cailloux, la syntaxe des sentes. Je récolte en passant le menu bois des mots. La queue des pins s’agite dans son désir de soleil. Les fougères font les folles dans la fraîcheur de l’aube. Le vent sculpte de l’air pour se donner du coffre. Les brins d’herbe bombent le torse pour mieux lui résister. On ne voit pas de renard détruire sa tanière. Les oiseaux ne cherchent pas leur nid. Les outardes ne perdent jamais le nord. Chaque jour est un miracle. Les fleurs prient dans la prairie pour remercier le ciel.

        

 J’aborde la forêt. On est toujours moins seul dans la foule des feuilles. La pénombre m’enveloppe. Les couleurs s’atténuent sans perdre leur visage. On ne voit pas le temps passer. On n’en voit que les traces, les cicatrices des écorces, la moisissure des pierres, les bouts de poil accrochés aux orties, les crottes noires des lièvres. La chlorophylle des feuilles fait dilater l’aubier. La ligne d’horizon ignore la forêt. Elle devient verticale. Devant un fruit qui pousse, je me remplis de sève. Le monde végétal m’accueille sans calcul. À tout ce qui respire, je me donne sans comprendre. Cette plongée vers la vie efface le factice. Que serait l’eau sans le soutien de la terre ? À tenir un fusil, les mains de l’homme s’étranglent. Elles s’étouffent l’une l’autre. Le vol d’un oiseau ne fait d’ombre à personne. La fleur de l’ortie ne pousse pas sans le secours des ronces. J’ai atteint la clairière où tout baigne dans la même lumière. Une légère magie habite chaque chose, il faut la découvrir. Je me recueille ici pour me laver des hommes, mettre mes petits pas dans les grands plats du monde. J’époussette le temps avec un vieux chiffon. Ma peau contre l’écorce, je communique avec la terre.

 

J’écris comme un enfant, avec la langue sortie, les pieds par en dedans, en équilibre instable sur une chaise ou le bord d’un rocher. Ce rituel a commencé quand je prenais les arbres pour des géants, les nains de jardin pour des gnomes, les libellules pour des fées. Les mots arrivent maintenant en pantalons trop courts et repartent sans un. Ils sourient quand ils touchent la cible, posent un doigt sur le ciel et délivrent le monde d’un peu de pesanteur. Une feuille est toujours plus qu’une feuille, une métaphore autre chose qu’une image. Quand je lis mes poèmes, les mains en porte-voix, les oiseaux me répondent. J’apprends le rossignol, la corneille, la buse. Les contes ont commencé avec le premier feu, les premières caresses avec le partage. Ce qui n’est pas écrit participe au récit. Les mots laissent un plein en même temps qu’un manque. Un germe d’encre ou le passage d’un ange laisse plus d’une page enceinte. Il a suffi pour naître d’un tout petit crachat. C’est plus tard qu’on se fait. Éparpillé dans le monde, c’est son centre qu’on cherche. Un seul objet nous manque et les autres nous pèsent. Il faut se dépouiller de la lourdeur des choses. Le chemin qui mène à l’homme est l’homme mais l’homme trop souvent se transforme en barrière. Chaque être est le croisement de l’espace et du temps. Il faut ajouter l’âme pour devenir un homme.

Publié dans Prose

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Commenter cet article
A
<br /> <br /> C'est fait!<br /> <br /> <br /> TOn texte est sur le blogamoi depuis hier soir et déjà, c'est normal, souvent lu et beaucoup apprécié!<br /> <br /> <br /> Aglamerci et belle jurnée à toi<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> <br /> Merci!<br /> <br /> <br /> je m'en occupe demain!<br /> <br /> <br /> je suis contente<br /> <br /> <br /> Aglaé du Bisou<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> <br /> jean-Marc<br /> <br /> <br /> Comme toujours la lecture d'un de tes textes me laisse réjouie,émue, et nourrie...me permets-tu de bloguer celui là sur mes aglamiettes?<br /> <br /> <br /> Aglaé du Bisou<br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> <br /> Avec plaisir Aglaé.<br /> <br /> <br /> <br />