Comme un manteau
J’écris comme un manteau pour nous garder du froid, un bateau pour nous rejoindre, un loup pour te manger. Le cœur que je porte en hiver, c’est toi qui le tricote. Chaque maille est une caresse. Tes yeux, on dirait des soleils qui nourrissent les plantes. Tes mains, on dirait un ruisseau qui coule sur ta robe. À flanc d’écorce, à pas de feuilles, on est deux arbres en osmose, un cœur de chlorophylle. On est bien. Tu m’es l’eau à la bouche, la douceur à la main, le stylo sur la page, quelques pas sur la lune. Nous voici simples et beaux, accomplissant la chair, apportant le pulpeux, l’odorant, le sapide au milieu du rigide. Je frissonne pour toi, des bras du lit jusqu’au pas de la porte, des mains du vent jusqu’au cou du soleil.
J’ai pénétré ton cœur par un carreau cassé. Je te poursuis partout comme un moineau frondeur. Je te rejoins dans l’appentis des gestes, la remise aux baisers, la petite tente indienne, le tipi du bonheur. Il faut être deux pour ouvrir les draps de l’amour comme le cœur d’une châtaigne, le chignon des massifs, la chevelure des nèfles. Nous aurions pu mourir ou vivre solitaire. Nous avons choisi l’éternité. Chaque atome du monde s’ajoute à l’espérance. Nous portons notre amour comme le sang dans un corps. Notre désir infatigable avive le plaisir. Je croyais n’avoir que deux bras, deux jambes. J’ai tout le monde pour toi, mille membres, des millions de voyelles, des syllabes sauvages. J’ai tous les paysages dans un seul regard. J’ai ton corps infini dans les lignes de mes mains.
Tu embellis mon corps de milliers de caresses. Nous refaisons le monde, la mémoire des arbres, le cours des fleuves et la forme des choses. Nous donnons un prénom à chaque vague, un bourgeon à chaque feuille qui tombe, des lèvres à chaque goutte de pluie, une fontaine à la soif. Dans chacun de tes pas, tu annonces la source. Même si tu n’es pas là, il suffit que je tende la main pour sentir ta chaleur, que je prête l’oreille pour entendre ta voix. Avec mes mots, je t’approche en peu plus. Je déshabille la nuit pour trouver ta lumière. Tu es comme la lune en plein jour. Toute la vie, nous nous sommes attendus. Nous nous sommes cherchés. Nous nous sommes trouvés. Nous bougeons l’un dans l’autre pour une éternité.
Le corps de l’amour est deux dans la maison de l’air. Le ciel interpelle nos caresses. Je te trouve toujours comme un sonar ému. Ma main n’épuisera jamais ta peau. Elle t’épouse tout entière. C’est en toi que j’écris la première page du monde. Nous savions par avance que nous étions à nous. Nous nous sommes choisis en toute connaissance de cœur. Nous vivons enlacés l’un à l’autre comme des lierres en friche. Peu importe le temps, les rides, même la mort. Nous entrerons là où nous sommes déjà. Tu m’a appris à devenir un fleuve. Merci d’être toi-même. Merci d’être l’amour. Merci d’être ma vie. Je me réveille en frère du bonheur, en loup hérissé de caresses. Il arrive que des destins se croisent et fassent jaillir la lumière comme des traces d’âme sur du nitrate d’argent. Nous en sommes et c’est mon seul orgueil.