Jacques Somonomis
Simonomis, pseudonyme palindromique de Jacques Simon, est un poète français né à Paris le 28 mai 1940.
Auteur de plus de 30 ouvrages de poésie, il collabora à de nombreuses revues, y publiant des centaines d'articles, critiques littéraires, études, entretiens avec des poètes. Il produisit de nombreuses conférences, notamment sur Gaston Couté, Pierre Menanteau, Jean Cassou, et participa à des colloques universitaires sur Jean Rousselot ou Marcel Béalu. Il fut aussi pendant de longues années un membre éminent du Cercle Alienor.
Animateur de Soleil des loups de 1985 à 1991, il fonda et dirigea ensuite sa propre revue Le cri d'os qui fut publiée pendant 10 ans de 1993 à 2003.
En 2002, avec Alain Castets, Christophe Dauphin, Jean-Pierre Desthuilliers, Jean-Luc Maxence, et quelques autres, il participe à la création du collectif Clarté-Poésie.
Début 2004, il fait partie de l'équipe de rédaction de la toute nouvelle revue Les cahiers de l'Alba.
Décédé à Paris, le 15 février 2005, il est inhumé au cimetière du Père Lachaise. La ville nouvelle de Guyancourt a donné le nom de Jacques Simonomis à l'une de ses rues, à proximité de la Maison de la Culture "Jean Rousselot".
Les Sirènes avec nous (Paragraphes littéraires de Paris1975. Réédition : La Lucarne ovale - 1998) avec des illustrations de Ernesto Treccani.
Matricule à zéro (éditions St-Germain-des-Prés - 1976).
La Mansarde Himalaya (éditions St-Germain-des-Prés - 1977).
L'Homme qui marche (éditions St-Germain-des-Prés - 1978).
Poèmes boxeurs (Guerre d'Algérie, chez l'auteur).
Dossard illisible (éditions de l'Ecchymose - 1979) préfacé par Jean Cassou. Réédition : La Lucarne ovale - 1999, avec des illustrations de Danielle Le Bricquir.
Le Triangle sacré (éditions Traces - 1981), proses poétiques sur Montmartre, Montparnasse et Saint-Germain-des-Prés). Illustrations de Roger Seignot. Réédition : La Lucarne ovale 2004-
Comme un cri d'os : Tristan Corbière (éditions Traces - 1983).
Vingt petits poèmes historiques (éditions Traces - 1983). Humour irrévérencieux.
Gaston Couté : de la terre aux pavés (Les Dossiers d'Aquitaine - 1985). Illustrations de Roger Seignot. Seconde édition augmentée (Dossiers d'Aquitaine - 1987.
Vous avez dit Bizeau (éditions Dossiers d'Aquitaine - 1986), entretien avec le poète-vigneron Eugène Bizeau, alors âgé de 103 ans.
L'étrier d'argile (éditions Barré-Dayez - 1987), préfacé par Jean Rousselot, avec deux portraits par Roger Seignot.
Les Chiffres, ces gens-là... (éditions du Soleil Natal - 1988).
Neruda (éditions Traces - 1989). Illustrations de Roger Seignot.
L'œil américain (éditions Soleil Natal - 1991). Illustrations de Roger Seignot.
Mon siècle en deux (éditions L'arbre à paroles - 1993), prix Jacques Normand de la Société des Gens de Lettres.
Récréation de la ponctuation (Revue Multiples N° 49 - 1993).
Un âne sur le toit (éditions La Bartavelle - 1995).
Ça marche ! ou "la pariade politique" (éditions La Lucarne ovale - 1995 et 2002). illustrations de Claude Caumel.
L'Essayeur (éditions de La Lucarne ovale - 1995), monologues pour Café-théâtre. Illustrations de Claude Caumel.
Il faut savoir lire (éditions La Lucarne ovale - 1996), poèmes pour enfants. illustrations de Danielle Le Bricquir.
La parade de cirque ou le bonimenteur (éditions La Lucarne ovale - 1997). illustrations de Pierre Cayol.
Les Couseuses (éditions L'arbre à paroles - 1997).
Sa Majesté Auriculaire (éditions La Bartavelle - 1998).
La villa des roses (éditions Librairie-Galerie Racine -1999), poèmes sur la Guerre d'Algérie publiés avec le concours du Centre National du Livre.
Valet de pied (éditions Alain Benoit - 2000), poèmes érotiques. illustrations de Daniel Abel.
La Garden-Party (éditions Clapàs - 2002), poèmes érotiques. illustrations de Danielle Le Bricquir.
Le calfat des étoiles (éditions L'arbre à paroles - 2002).
Aphorisques et placers (éditions La Lucarne ovale - 2003). illustrations de Alain Lacouchie.
Un singulier grand ordinaire (éditinter - 2003).
Claudication du monde (Le Nouvel Athanor - 2004)
Fort de café (éditinter- 2004).
Premiers poèmes - 1954-1959 (éditions La Lucarne ovale - 2005).
Simples comme... (éditions Alba - 2005). Recueil posthume.
La queue leu leu du fabuleux (éditinter- 2006). Recueil posthume.
Un grand singulier pas ordinaire du tout
En 1976, en ouverture à son deuxième recueil, Simonomis écrivait : "Avec l'amitié du papier, j'ai voulu rester propre et entier, dosant VISCERALEMENT la fraternité et la méfiance, la foi et le doute, la voix des foules et la solitude". On pouvait déjà noter l'insistance avec laquelle il avait tenu à isoler en lettres majuscules l'adverbe de cette phrase. Mieux qu'un symbole : une orientation pour toute une œuvre à venir. Un peu plus loin dans ce recueil de jeunesse, il écrivait encore : "Si tu n'apportes rien / pourquoi veux-tu que l'on te donne." Avec cette affirmation, Simonomis prolongeait ses choix, en parfait autodidacte généreux, indépendant, libertaire.
Authentique humaniste, il se voulait aussi "irrégulier du langage". Son œuvre qui comporte actuellement 33 titres compose une mosaïque originale dans le pâle concert des publications contemporaines. Pourtant, Simonomis n'a jamais cherché à construire une œuvre : les choses se sont faites peu à peu, dans une diversité d'intérêts et de passions, sans calcul, pour aboutir finalement à un ensemble inclassable, véritable casse-tête pour les étiqueteurs patentés.
"Les poètes marchent à l'amitié" écrivait Simonomis, et il était l'un des plus assidus à user de ce carburant écologique, générateur d'enthousiasme et de vitalité. Les gens de sa parentèle, on les connaît, on les devine : ce sont Rabelais, Corbière et Cros, mais aussi Rictus, Couté et Bizeau. Dès ses débuts, il avait été reconnu par quelques grands aînés tels que Jean Cassou, Marcel Béalu ou Jean Rousselot. Autour de lui, il avait su créer un réseau d'amitiés pour construire une réserve privée autour de dizaines de poètes actuels tels que Chatard, Huglo, Despert, Monnereau, Taurand et de tant d'autres encore que les distingués intellocrates sorbonnards s'ingénient à ignorer lors de leurs recensions et célébrations poétiques, occupés qu'ils sont à examiner leur nombril.
Quand il décida, en 1993, de se lancer dans l'aventure revuistique, Simonomis n'imaginait pas du tout dans quelle voie il s'engageait. "Le Cri d'Os", titre étonnant et un tantinet provocateur emprunté à Tristan Corbière, allait devenir sa "chose". La diriger seul pendant dix ans relevait de la folie et du sacerdoce. Seul, sans aide d'aucune sorte, envers et contre tous les importuns et les grincheux, il allait poursuivre sa route avec inconscience et courage, avec folie et témérité. Puis, alors que tout allait bien, il décida d'interrompre la publication, usé par l'égocentrisme et la mégalomanie de beaucoup de prétendus poètes.
"Je ne suis ni aigri, ni amer. Mais soulagé", écrivait-il. Qui connaît le fonctionnement d'une revue comprendra facilement cette décision. L'animation d'une publication périodique exige un travail de titan : des centaines et des centaines d'heures bloquées sur les écrits des autres, tenir à jour le courrier, relancer les abonnés oublieux…. Sa revue, Simonomis la voulait, dès l'éditorial du n° 1, "modeste mais fervente". Cependant, il ne perdait jamais sa belle lucidité puisqu'il écrivait : "Je ne veux pas mourir dans la peau d'un revuiste mais dans celle d'un poète indépendant". On voit bien en cela qu'il avait su rester fidèle à ses convictions de jeunesse, à ses passions, à ses amours et au grand amour de sa vie : Yvette.
"Ma balise de survie est un couple uni" : c'est à partir de cette solide fondation affective que Simonomis a réussi tout ce qu'il a entrepris. Sa seule inquiétude, disait-il, était la peur de laisser Yvette seule, démunie face à la dureté de la vie. Il savait à quel point il lui était redevable et que, sans sa présence fervente et rassurante, il n'aurait jamais pu aller jusqu'au bout de ses folles entreprises. Yvette, c'était pour lui bien plus que l'épouse patiente et attentionnée. Yvette, surnommée le Colibri, c'était toute sa vie, celle, disait-il, "sans laquelle je ne serais pas tout à fait".
Le dernier courrier qu'il m'avait adressé, en date du22 janvier 2005, était rempli d'ombres et de non-dits. Toujours actif et généreux, il me remerciait pour un article sur "Claudication du monde", article paru dans le n° 99 de Rétro-Viseur. Un peu plus loin, il poursuivait :"J'ai frôlé la camarde après mon opération du 30/11. Je continue le combat. J'aimerais encore vivre quelques années." Ces paroles résonnent désormais dans un terrible silence.
Les buffets
Nos buffets littéraires étaient toujours pleins : vétérans d'antichambres, placeurs de romans tsé-tsé, quêteurs d'araignée du soir, etc.
Soumis aux toasts à l'anaconda et aux gâteries au pili-pili, arrosés de tafia "Légionnaire", "5 sur 5" ou "Marche ou crève", j'observais les amis sincères.
On apportait les fourmis rouges, les mygales, les papillons. Les indiens Alphabêtas (inventeurs de l'Eldorado) chantaient nos louanges pendant que les aras chipaient les cacahuètes. Il y avait des scènes atroces.
A l'aube, nous entassions les survivants dans un grand pousse-pousse rose qui ne prend pas cher.
Le tatoué
Bébert était tatoué de la tête aux pieds. (Les ports sont durs pour les matafs bourrés). Un dragon logeait sur son torse. Un serpent lui ceignait les reins. Des filles offraient leurs croupes aux lazzis des collègues de douche. Sur ses fesses, deux diables tiraient la langue, prouvant par A+B les visions de madame Mac'Miche.
On ramassa son écorché dans une crique. Les filles s'éclaboussaient sous l'oeil du serpent tendre. Le dragon les couvait de ses membranes bleues et les diables pétaient pour éloigner les squales.
Les cabinets
Maintenant que la tempête avait arraché la porte des cabinets, il fallait profiter d'une accalmie sur l'avenue pour "aller", un journal déplié tenant lieu de pudeur.
On n'entend pas les gens en espadrilles... Un couple de retraités commentait les nouvelles... Je toussotai, remuai, tournai les pages... Ils se plièrent, penchèrent le chef, tordirent le col, attendant mieux. Je leur opposai les petites annonces, les avis nécrologiques, les assassinats du quartier. Rien n'y fit !
Comment mener son affaire dans ces conditions, surtout en province ? Brusquement, je retournai les deux pans du journal ! qui les bouscula, les cogna, les coinça, les lécha, les mordilla, les trouva miam, les dévora, rota, les digéra le ventre plat, avec une grande simplicité pour une ville moyenne.
in Casse n° 4
Le cheval blond qui caracole
au crépuscule pour moi tout seul
m'explique une légende
Attelé à la calèche
des mariés du jour
tu es plus beau que de raison
cheval simple de la passion
Ton profil sur le pré
signe le pourquoi de mon tremblement
Dans la maison du monde
il y a des enfants
avec ou sans parents
des blancs des noirs des jaunes
dans la maison qui bouge.
Autour rôdent les ennemis
la faim la soif la maladie
le chômage et les bombes.
Il faut lutter pour la beauté du monde.
Pour toi ton voisin le mien
pour les enfants qui naîtront demain
très loin et qui parlent autrement
dans la maison du monde
dont nous sommes les grains
blancs noirs jaunes rouges
dans la maison qui bouge
autour du soleil commun.