Juan Garcia

Publié le par la freniere

Juan Garcia est né le 16 novembre 1945 à Casablanca de parents espagnols. Il fait ses premières études en français. À la suite de la révolution marocaine, la famille émigre à Montréal en 1957, où il continue ses études dans un collège anglais.

Juan Garcia commence à écrire vers 1960. Il lit Hafiz, La Tour du Pin, Hopkins, entre autres. Premières publications en 1963.

En 1965, il fonde avec Pierre Bertrand la revue Passe-Partout, et, en compagnie de Jacques Brault, Raoul Duguay, Gilbert Langevin, Gaston Miron, participe activement à la vie littéraire de Montréal : récitals de poésie au Bar des Arts, au Perchoir d'Haiti, collaboration aux revues La Barre du Jour, l'Action Nationale, Quoi.

Après un bref séjour dans un monastère, il écrit La transmutation, et publie en 1967 son premier recueil, Alchimie du corps. Puis il passe en France. De l'hôpital psychiatrique de Pau, dans le Midi, où il fera désormais de longs séjours, il envoie ses poèmes à la revue Liberté.

Il vit actuellement en Espagne.


Entreprise spirituelle, singulière et originale, la poésie de Juan Garcia est une écoute de la transcendance et une exhortation à l'inaccessible. Elle veut recréer un monde où l'ici et l'au-delà se rejoindraient pour se confondre dans l'absolu.

Tout au long de son œuvre, Juan Garcia développe en les approfondissant les mêmes thèmes : la vie et la mort, le jour et la nuit, le sang et le soleil, la mer et l'univers, le corps et la parole, l'amour et Dieu. Dans sa lutte avec lui-même, il y poursuit sa marche vers l'essentiel.

Voyage intérieur, l'œuvre se veut dépassement perpétuel, compréhension de l'univers et tension métaphysique. La vie se métamorphose en un rêve total et en une unique réalité : un réel sacré, révélé à partir de la blessure de l'être.

La poésie de Juan Garcia est concise, dense et somptueuse. Proche de l'alexandrin qui lui confère homogénéité et cohérence, son écriture s'apparente par son hiératisme, à la forme du psaume qui lui donne son lyrisme et son exaltation.

C'est une oeuvre exigeante et lucide qui se situe hors du temps et de l'espace communs. C'est surtout une poésie déchirante et envoûtante qui anime, dans sa chaleur et son éclat, l'inviolable et l'unique en nous.

 

Bibliographie :

 

Alchimie du corps, Montréal, Éditions de l'Hexagone, 1967

Corps de gloire, Montréal, Presses de l'Université de Montréal, 1971

Pacte avec ma poésie, Paris, Éditions Saint-Germain-des-Prés, 1982

Corps de gloire (poèmes 1963-1988), Montréal, Éditions de l'Hexagone, 1989



Compagnons de la neige


Hommes de ce pays, compagnons de la neige

vous dont le seul souci en marge de ce monde

est de fermer vos corps aux méfaits de l'hiver

dont la seule récompense est de survivre un peu

et que le temps protège au levant de l'histoire

vous qui savez par cœur l'origine des vents

qui concluez partout un marché avec l'aube

afin de recevoir l'horizon de plein front

vous ignorez pourtant le calcul des saisons

vous que je somme ici autant que j'ai de sang

longtemps j'ai isolé votre cri dans mes veines

je marchais dans vos pas avec le mauvais œil

et quand pour y voir clair vous plongiez dans vos plaies

je gardais le sourire et le regard sous clef

et je claquais la porte aux climats de ma tête

maintenant je comprends que la rage a raison

j'affirme que le froid laissera des racines

et même si ma voix faiblit le long du temps

tant les mots perdent pied à être sur des pages

je veux parler en nous pour que l'on s'en souvienne



Sans courbe sur la page

 

Est-ce ma première neige est-ce mon dernier froid

que je charrie ainsi par-delà mes épaules

à force de coucher l'horizon dans mon lit

et de ne point paraître au colloque des vents

ou est-ce la beauté qu'une fois j'ai pesée

et qui vieillit autant que l'arrière-saison

je ne sais plus déjà, qu'à l'ombre je me rends

qu'importe si le jour ampute un peu de ciel

si la musique au loin ne meuble qu'un peu l'air

je marche dans mon corps sinon je meurs debout


L'hiver montre les dents à travers la fenêtre

où je place mes yeux et mon retour au temps

je ne sens plus mon cœur tant il prend de la place

et tant je l'ai lavé des mauvaises rumeurs

la terre avec le vent soulève le passé

le long de la banquise où persiste le Peuple

et tout en moi se lie pour un début du monde


de naître est un devoir pour peu que je me trouve

en face d'un soleil qui brille par l'absence

et que dans le confort que procure la nuit

je m'écrive pourtant sans courbe sur la page

 


Comme on meurt en novembre

 

Je ne veux pas mourir comme on meurt en novembre

avec ce rien de nuit qui nous remplit les yeux

et cette fin du monde au bout de nos regards

quand le souffle pesant qui trahit notre pose

une dernière fois nous déçoit de silence

et qu'il faut vérifier le visage des hommes

pour voir si la douleur les touche de profil

et s'aveugler enfin dans son âme à jamais


Or je ne veux point vivre en amont de ma vie

ni prier le soleil d'un surcroit de lumière

tel ce mime de moi cassé dans ses genoux

qui demeure la proie d'un pays de passage

où tout est périmé hormis le temps qui passe


Je ne veux que finir dans un coin de la nuit

sans un arrêt de cœur en guise de contrat

et comme chaque mot me change le décor

à même le sommeil qui me tient clandestin

je veux tomber d'un cri si je meurs en novembre



Ode à la blancheur (extraits)


Juan Garcia

 






Publié dans Les marcheurs de rêve

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Commenter cet article
J
...Il fallait l'être un peu pour écrire saoul sous!
G
merci pour cette mention de juan garcia, ce poète  qui contribua si intensément à l'émergence intellectuelle du québec et qui marqua si fortement nos années d'université. à relire de toute urgence.
J
J'ai lu Compagnons de la neige alors qu'il fait si doux cette nuit dehors, les trottoirs, je le sais, je ne suis pas sous, il fait doux pré-sucres et les trottoirs renvoient de l'éternité sous les lampadaires. Or, ce poème de veines est magnifique.  Merci de nous servir ce Garcia.