Quand Nougaro

Publié le par la freniere

Africa blues sur Toulouse. Une nuit d'été saxophonique à New Orleans. Elle s'appelait Gloria, la fille-mère des troubadours de Tallahasse, la muse errante de Montségur et de Manhattan. Miss Terre, oui. Ainsi est né Nougaro, au beau nom gascon d'arbre plein de sève. De cette Occitanie excitante sont venus, en poésie - littérature, Delteil-le-délire et, en musique - chanson, Nougaro-le-rythme. Nougaro, c'est celui qui a mis du jazz dans la chanson française comme du kif dans une gauloise. Du swing, du jus et de la lumière parmi toutes ces sentimentalités fadasses, ces tristesses trente mille fois répétées, ces infinies guerres de 14 et de 40.

Quand Nougaro passe à Toulouse, les os de Saint Thomas lui-même se mettent à trémousser. C'est qu'il sait bouger, le bougre, comme un ver luisant qui aurait avalé une pile Wonder. Claude Nougaro est monté dans le train du jazz un soir de nostalgie, à Toulouse, le train est entré dans la jungle du désir (ah, ces filles-fleurs, ces filles-lianes!), et le voyage continue.

Toulouse, Tallahassee, Timbuctoo, en passant par Nice, Venise et Paris. Nougaro remonte aux sources. A travers les déserts du néon-néant. Vers un chant puisé ailleurs que dans la litanie de nos plaintes. La dernière fois que je l'ai vu, ce fut du coté de l'Oubangui-Chari. « Barago, Barago, Baragué, gué, gué », me dit-il. Je lui ai répondu « Krajavo yeni » (« Salut vieux » en sibérien, dialecte du fleuve Amour. On a ri ensemble comme des bossus pris d'une crise de bossa nova. Hé!

Kenneth White

Publié dans Poésie à écouter

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