Poétique postmoderne (Haiti)

Publié le par la freniere

 

Dans le reflux de l’histoire à ma porte
il n’y a rien dans le temps
ni dans l’espace, rien de neuf
à découvrir dans les cendres des utopies.

Je suis aujourd’hui ce poète sans chat
ni fax bavard dans sa maison de campagne;
ce magicien sans jaco ni internet
face au chagrin de ses milliers de livres;
cet hidalgo noir sans argent frais ni portable
pour héler les fous de l’achat et de la vente.

Dois-je courir encore après un autre sort?
un ultime juillet indien de la vie
à donner au jogging de mes vieux os?

Je reste ce poète en danger
sous les obus du consumérisme,
cet homme enfermé dans sa loi naturelle:
ma capacité de souffrir trouve un chien
et un chez-soi dans le malheur d’autrui.
À chaque offensé, en frère, j’offre un feu,
à chaque humiliée, en copain, j’offre la joie
de vivre du dernier cerceau de mon enfance.

Loin de la rage consumériste
qui épuise la grande santé du monde,
je jubile à l’idée d’un départ à zéro,
je bande en rital à rêver d’une flamme autre
pour les soirées d’hiver de ma petite lampe.

 
René Depestre
 

Publié dans Poésie du monde

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