La terre sous les pas 4

Publié le par la freniere

Qu’avons-nous à perdre à nous aimer et remplacer les choses par leur âme ? Nous avons presque tout perdu. Laissez-moi écrire. Les animaux lèchent bien leur sang. Les bébés communiquent par le geste, les oiseaux par le son. Les hommes se taisent par la pensée. Les mots suivent du doigt un relief de lumière. Les nuages font des rides sur le visage du ciel. Il suffit d’un crayon pour voir le ciel à plat ventre sur la table, faire danser les pattes de chaise, agrandir l’espérance. Il suffit d’une brindille à l’oiseau pour commencer le nid. Il suffit d’un seul pas pour dessiner la route. Il suffit d’une image pour que les mots nous sautent aux yeux.

Chaque nuit, la mort s’allonge contre nous mais c’est la vie qui nous réveille. Le ciel déplie l’averse comme une nappe. Il arrange les nuages comme des robes de bal. Le ciel porte la pluie aux lèvres de l’écorce. La mort est le pain de la terre. Quand un arbre s’abat, la forêt le dévore. Chaque pourrissement défie la mort. Les mains savent parler. Chaque geste est un mot. Les mots ont la force du muscle, la douceur de la langue, la douleur des épines. Avec un filet d’encre, j’accompagne la graine jusqu’à la floraison. La calligraphie du cœur dépasse nos limites.

Il y a tant de choses dans l’invisible. Il faut l’écrire pour les voir, en faire des arpèges ou bien les dessiner. Il y a tant de routes dans un pied. Il faut marcher sans cesse. La vie est une partition. Chacun donne sa note dans le concert des atomes. La pluie est une odeur dans le nez des moissons, le regard du ciel qui vide ses images en petites mèches drues. J’ai tant de branches d’arbre pour soutenir le ciel, de fourmis dans les jambes pour terrasser la haine. La pluie vient laver les vêtements du jardin, les bas troués de fleurs, les chemises d’herbe tendre, les pantalons de lin, les chandails de laine, les corsages de mousse. Il y a partout des linges mouillés, de la transparence, de la lumière ombrant ses plis. La pluie est comme nous, elle parle tout autour avant de pénétrer. Elle butine l'azur avant de féconder.

(...)

 

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