J'écris 7
J’écris avec des mots
qui se cognent aux murs,
des ecchymoses d’amour,
des bleus au cœur,
des blancs de mémoire,
des vis qui dépassent
et des copeaux d’érable.
J’écris avec les morts
qui continuent leur chant,
les vivants qui se taisent,
les enfants qui s’aiment
et ceux qui les protègent.
J’écris sur la pointe des pieds
comme on sort du lit.
J’écris avec la route
qui ne sait où elle va.
Je donne mon regard
aux fantômes des rues
et je prête l’oreille
au mutisme des murs.
Je prête un peu de doigts
aux gestes malhabiles,
des orteils aux trottoirs
qui marchent de guingois.
Je prête un peu de marches
aux escaliers branlants,
le regard des vaches
aux passagers broutant
les rails de l’ennui.
J’écris avec la mer
qui nous montre ses dents,
la blancheur de l’hiver
qui découpe les ombres.
J’écris avec une encre
qui dessine les mots,
avec des couleurs
qui portent la parole.
J’écris à la jointure
d’hier et d’aujourd’hui
avec le bruit du temps.
J’écris avec les fruits
prolongeant les racines,
les ailes des insectes,
les avoines cassées
et les yeux d’un aveugle
qui cherche le soleil.
J’écris comme je respire
avec les mots qui passent
mal sapés sur la page.
J’écris pour la bonté
et la beauté du geste,
le trognon des pommes
enceintes d’un verger,
la fleur entrebâillée
laissant lire à l’abeille
son pollen sémantique.
J’écris avec la pluie
qui dort dans la neige
et s’éveille au printemps.
J’écris avec le bois
Dont on fait les violons,
Les fleurs dans les champs
Qui meurent sans pourrir.
J'écris des mots
Qui touchent à la folie
Avec les mains d'une mère.
J’écris avec les poings
Qui s’ouvrent à l’amour,
Avec les lignes de vie
Qui croisent l’aventure.