Le ronronnement d'une ruche toute proche

Publié le par la freniere

Sur ce trottoir fendillé nous ne disions rien. Ici, le langage s’était envolé dans l’imaginaire cuvée des mots qui s’effeuillent avant d’être partagés. Ils flottent encore dans ma tête comme des images déformées par la buée de nos haleines. Ma pensée a froid, ma pensée est une congère. Il fait un temps de neige et pourtant la température du cœur, ce réchaud d’oxymores, ne cesse d’augmenter.  Le monde se régénère dans l’embonpoint du vide. L’air manque de transparence, il s’étouffe. Les étoiles sont sur une portée au-delà du mur du son. La terre en orbite du soleil dérape de sa trajectoire naturelle. Le trou noir empiète l’aire dévissée. Nos amours sont dans la cavalcade infusée aux ombres qui rétrécissent la lumière. Une lampe d’Aladin renaît dans le noir. Nos pieds sentent le sol disparaître. Nous décollons vers d’autres abysses.   

 

Il pleut des hirondelles, la chaussée est volante. L’amour est cette épreuve silencieuse où rougit le temps. L’absence reste l’otage du souvenir. Elle est calfeutrée derrière les persiennes. L’attente est l’ennui qui dévale de là où tu n’es plus. L’ennui juste et exact, l’ennui au-delà des prières. C’est dans la part désoeuvrée de moi-même que je t’aborde comme une découverte renouvelée. Une pousse de lumière naît de la terre, un recoin d’âme inconnu nous sidère.  

Nos déserts nous assemblent et le sable qui nous recouvre me parle de toi. Ton absence est au cœur du foyer de mon désir comme un cierge brûlant dans les décombres de l’oubli. Il neige des pissenlits et la montagne s’endort sous le vert désordre des pensées éparpillées. 

 

Il est tard ou il est tôt, peu importe désormais. L’heure bercée repose sur l’étendue de nos mains plus vastes que des rizières. Je t’accoste au linceul de la trame du jour. L’automne est venu me rejoindre avec ses rubans de couleurs pourpres et sa magie à transformer les formes et les odeurs. Je t’écoute et je te regarde sans pouvoir saisir l’intensité vaporeuse remplissant mon godet d’un vin framboisé. Mais, ce que je vois encore de toi redouble la sensation de la perte. La goulée est accrue comme la respiration rythmée que l’on reprend après une apnée prolongée.

Je cligne de l’œil sur l’écart des pendules où se lient les tics tacs ébouriffés qui couvrent l’épaisseur des mémoires ensevelies. Une treille de bougainvillier, des parfums doux et fragiles et puis des abeilles par centaines ajoutent à l’atmosphère ombragée le ronronnement d’une ruche toute proche.

 

Ce qui tremble, ce n’est pas la mémoire ressentie mais l’affection que je lui consens. L’incendie règne en suspens. L’émotion court comme un chat qui entend le bruit du tonnerre.

 

Bruno Odile Tous droits réservés ©

 

Publié dans Poésie du monde

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