Les temps changent

Publié le par la freniere

Je suis né en 1955
Belle année pour naître
Un 5 juin, jour d’un dimanche
où tout le monde à Montréal fleurtait avec le gros soleil du sunshine…
La vie n’était pas riche mais les balcons se jasaient entre les étages
de n’importe quoi,
température, job à l’ouvrage, sermon à l’église et tra la la…
10 ans que la guerre en Europe étant terminée, les gros chars américains roulaient, boîte à lunch et glaces sur des routes aussi belles que le paradis annoncé..
Toute la famille en route pour la beach, pas d’ceinture…
Le papa au volant, la maman avec le dernier nouveau-né dans ses bras
Et le reste de la famille entassé les uns les autres, une crème glacée au cornet…
La belle vie, pas riche mais beaucoup plus libre
Libre de rêver…..

Pâté chinois sur la table et prière en famille
autour de la radio du Cardinal Léger; l’homme de God;
ce serviteur de Dieu qui devait tenir le bon peuple à genoux
pour le temps de l’éternité; le temps de radoter un chapelet, graine par graine jusqu’à la croix de son ti-Jésus…..
Ainsi soit-il…. Éducation oblige… obligatoire
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Me rappelle de la messe en latin, le curé, dos à ses fidèles
marmonnant le *pater* du saint-ciel; une église remplie au maximun d’habits en cravate, de robes propres, ces dames en chapeau, les gants du dimanche, les plus belles filles du monde et le rasé des cocos sur la tête des ti-gars de cette époque…..
Un seul sermon du bon prêtre et tu étais radis-go pour la semaine…
Et le plateau d’argent se remplissait à coup de 5 cennes…
Et les cloches s’envoyaient en l’air; gueding guedang par en avant et par derrière…
jusqu’à Rome, là où tous les chemins menaient à l’époque…
Bons Cana’yens français.
Bonne job, bon boss, petit maudit salaire…

1963, Jean XXIII pape, transforme l’église…
Terminé le latin comme langage à la messe
Le curé regarde de face ses fidèles
Et ses fidèles ont toujours le même habit, la même robe, le même chapelet, la même face
Et les genoux sont toujours à genoux, debout, assis et encore à genoux
Ces genoux de la souffrance du ti-Jésus accroché à sa croix
à son bénitier, à sa foi, à l’osti du dimanche…. La ré*con*pense.
Ensuite sur la table, des pétates et du poulet attendent la famille rassemblée
La télévision noir et blanc trône au salon, un Coke, un 7up dans un beau verre de vitre,
Et un chips dans un grand bol…en plastique
*Faut pas que tu salisses ton beau linge propre, mon ti-gars
Pis tiens-toi drette…*

À l’école, c’tait du pareil
Prière du matin avant la dictée ou bien le cours du calcul mental
2 fois 2 égale 4 comme le derrière de nos premiers cahiers Canada….
Mais le pire de notre pire, c’était d’aller se confesser toute la classe à l’église
au confessionnal du curé, le premier vendredi du mois; de septembre jusqu’à juin, la libération.
Un silence froid régnait pour ne pas dire que nous avions des poussées de chaleur
au creux du dos…
C’est de là que j’ai appris à mentir
Car ciboire de tabarnacle, je n’en trouvais pas des péchés à raconter au monsieur qui portait la croix de Dieu et le col romain dans sa petite boîte enfermée.
Mon Dieu, je m’accuse d’avoir désobéi à mes parents…
Ok 3 *je vous salue Marie et Dieu te sauvera de l’enfer*…. Curé con.
S’il m’avait demandé, désobéi en quoi? Je n’aurais su lui répondre, ni moi, ni mes amis de classe car nous étions tous ou à peu près des enfants d’amour et de paix, comme le sont la plupart des enfants sur la terre…
L’église aime qu’on bégaie, bon peuple à genoux, petit missel dans la main, beaucoup d’ouvrage, petit salaire et salut au drapeau Canadien. Amen…

1967, l’Expo à gogo, cravate à gogo, la Ronde à gogo et l’église qui minouche le gogo aussi, trop tard…. On déserte pour plus de soleil; même la télé se colore l’écran; Donald Lautrec fait son show…. Le Rock des Stones et des Beatles deviennent l’église et l’église, c’est la rue avec un peace and love au bout du monde. Paix et fuck you la guerre au Vietnam; contestation, libération, cheveux longs comme au temps de Jésus. La dime s’écroule et les papes ne sont que des hommes en costume de Pâques ou de paille, c’est selon. Baby boum en action !
Et le son des sitars dans le zigzag des oreilles…. Dieu y’é où? Le monde est partout!

1969-70, FLQ, parti Québécois, Québec français; tout grouille ici sauf dans l’église traditionnelle. Krishna fait du yoga… Légalisation du bonheur, rock’in’roll et voyages sur la planète terre ou dans les airs… Le Québec n’est plus à genoux, il est DEBOUT, il respire, il rêve, il chante, il danse, il aime…..Il mange des hots dogs au tofu et des herbes nouvelles… la voix est libre….

2012-13 Carrés rouges et casseroles en appui. La rue parle, l’église dort dans ses vieux péchés capitaux, sa vieille soutane. Le nouveau monde a changé. Les hommes et les femmes sont égaux. Libres dans leurs sexualités, aussi. Libre dans la laïcité, aussi. Libre, au soleil du jour et de la nuit…aussi………….

 

Daniel Saint-Laurent 

Publié dans Poésie du monde

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