Poème-manifeste

Publié le par la freniere

Nous ne voulons plus de leçons de morale
de pas cadencés de bals décadents
de mascarades de la Saint-Jean
de drapeaux qui flottent joyeusement sur la flicaille
de populace acclamant ses exploiteurs
d’exploiteurs qui triomphent devant la populace
nous ne voulons plus de toi Louis XVI
nous te l’avons déjà signifié très clairement
en des termes plutôt tranchants
de toi non plus pape nous ne voulons plus
vieille baderne vieil épouvantail d’un autre temps
vieux crabe qui brandis le jugement de Dieu
tremble qu’il ne s’abatte sur ta tiare de riche
pour ces millions d’enfants qui crèvent de ta bêtise
parce que des malheureux te prennent pour un dieu
nous ne voulons plus de lois de contraintes de règlements
nous n’avons pas besoin de cloisons pour survivre
seulement du respect de la vie de la mort
toute loi uniformise tout uniforme est roi
assez de lois de flics de gratte-papiers de soldats
nous ne voulons plus de vous législateurs
renvoyez vos exécuteurs et vos jurismenteurs
à présent nous avons des montres nous savons l’heure
nous ne voulons plus des dynasties des grandes fortunes
des privilèges de l’or des surjouissances de naissance
nous ne tolérons plus que les uns se privent pour que d’autres se gavent
nous ne voulons plus d’emplois nous ne voulons plus d’argent
l’or n’est plus qu’un métal le papier du papier
et tout redevient cendre épée cuiller ou clé

 

nous voulons notre temps nous voulons notre espace
nous voulons avancer vouloir savoir aimer

 

nous ne voulons plus de pensées profondes d’idées creuses
de mots qui font le vide
de slogans de publicités d’élections
de promesses d’avenirs meilleurs de bonheurs de paradis d’amour infini
c’est maintenant que nous sommes c’est aujourd’hui que nous voulons
assez de chefs de curés de leaders de guides de patrons
assez de dictateurs de tireurs embusqués d’attentions empressées
assez de sang de rêves préfabriqués de songes et de mensonges
nous ne voulons plus de vous conquérants de nos tombes
héroïques bouchers médaillés et maculés de gloire
vampires enivrés d’une planète exsangue qui meurt sous nos pieds
nous ne voulons plus de pays de patries de nations
nous n’avons plus foi en la démesure nous voulons
des quartiers des villages des communes des îles

 

nous ne voulons plus de vous pantins de la démence
présidents ministres planificateurs cadres encadrés banquiers
que de temps d’énergie de vies perdues brûlées pour le progrès des ventes
valeurs fictives conventions unanimes
nous ne voulons plus vivre dépossédés de nos vies mêmes
toujours contraints de reporter de différer d’attendre
nous ne voulons plus être raisonnables dans la déraison
compréhensifs devant l’incompréhension

 

nous voulons notre part de soleil et d’eau douce
d’amours de vins de nourritures de saisons

nous ne voulons plus de toi démocratie traîtresse
gouvernement du peuple exploité par le peuple
condamné qu’on enivre et qui choisit ses bourreaux
gouverner c’est dominer diriger c’est mener
cette folie nous mène tout droit en enfer
nous ne voulons plus de députés de délégués de décideurs
nous voulons décider nous-mêmes de notre sort

 

nous voulons notre temps nous voulons notre espace
nous voulons nous trouver nous prendre nous donner

 

nous ne voulons plus apprendre les bonnes manières
comment s’habiller manger maigrir s’entraîner jouir réussir
nous savons nos limites nous les revendiquons
nous ne voulons plus nous astreindre aux tâches inutiles
qui flattent l’orgueil de sous-chefs imbéciles
nous refusons de gaspiller nos vies si courtes pour des futilités
nous avons déjà tant semé tant et tant espéré
nous ne regardons plus le parquet d’une bourse sans rire de tous ces agités
nous ne voulons plus de ce théâtre de la cruauté où les victimes sont bien réelles
assez de savants procédés pour nous piller nous enchaîner
on n’a jamais vu le mortel à qui la terre fut donnée
la planète ne vit que par la vie des êtres qui l’habitent
nous ne voulons plus de ceux qui l’assassinent

 

nous voulons de l’espoir pour nos enfants à naître.

 

© Pascale (Alain) Cormier, septembre 1996

Publié dans Poésie du monde

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