Le Romancero de Buenos Aires
En un seul souffle
Se désenclaver partir
suivre signe après signe
briser la ligne de défense
savourer la torpeur
écrire ce qui suit :
tant de temps
à trouver
ce qu'on ne cherchait pas
la pente s'écoule
et les questions restent
en suspens
lumière onctueuse
où plonger les mains
mais le regard
reste à l'écart
prisonnier des ombres
d'où une aube maigre
émergera
reprendre l'ouvrage du songe
s'abimer se dissoudre
sous la lentille d'un microscope
dont l'oeil est un ciel de verre
une convexité
devant le trou de l'univers
se défaire
se jeter dans le vivre
des vides de l'existence
crever le tissu des intempéries
et soulever les battements du coeur
à bout de bras
puis expier de pureté ou de beauté
mourir d'aveuglement
parmi les pierres du chemin
parmi les rires des folles avoines
creuser sa tombe
mot après mot
et revenir à la ligne
là où commence un autre vers
qu'on n'avait même plus espéré
c'est comme s'arrêter de respirer
pour mieux reprendre souffle
partir se désincarcérer
ou rester.
André Chenet