La mâchoire du jour

Publié le par la freniere

Les cicatrices en disent plus que les données d’état civil. Toutes les routes se croisent, toutes les races, toutes les traces. Le soir se fait mordre par la mâchoire du jour. Il y a une âme dans la viande rouge de l’homme, des nerfs dans les mots qu’il emploie, un cœur sur la main, une bouche en prière. Je parle d’homme à homme avec mon sang qui coule des blessures. Quand une épine égratigne ma peau, j’ai soif de tendresse. Lorsque mes pas se transforment en orties, j’ai faim d’amour et d’amitié. Avec des vers et un crayon, je pêche des poissons irréels. Je n’ai pas un visage servant à tout le monde, mais des traits façonnés de désir, un visage d’homme simplement, avec sa peau unique, sa tunique de chair.

Un jour, la terre sera un pain qu’on partage entre frères, un vin qui coule sur la langue. Les portes n’auront plus de gonds, les hommes plus de chaînes. Chaque parole est unique. Chaque œil a un regard différent. Les pas du rêve s’entrecroisent dans les pays dormant debout. Qu’elles soient des fruits ou des armes, toutes les grenades finissent par éclater. Toutes les ombres éclairent. Le cœur fait battre tout le corps. Malgré ses viscères malades, le corps compose tous les gestes. La pluie et le soleil colorient l’arc-en-ciel.

J’avance de guingois entre les chants et les chalands. Plus jeune, j’avais les os remplis de Dieu. Ils sont vides à présent. Il me suffit d’une seule goutte de sang sur les échafaudages de la mort. La terre monte jusqu’au niveau de l’homme. J’habite en banlieue de moi-même. Y-a-t-il des cadenas pour les toiles d’araignée, une clef pour les ouvrir, des chansons rondes comme des œufs, une langue seule au monde, un seul mot dans cette langue? Il ne me reste plus qu’à réparer les pots cassés.

Jean-Marc La Frenière

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