Prologue pour une comédie (Pologne)

Publié le par la freniere


Il se fit un violon en verre car il voulait voir la musique. Il tira son canot jusqu'au sommet de la montagne, et attendit que la mer vienne à lui. La nuit, il plongeait dans l'itinéraire des chemins de fer; les terminus le faisaient pleurer d'émotion. Il cultivait les roses avec un z. Il écrivit un poème pour la repousse des cheveux, et puis un autre idem. Il brisa l'horloge du beffroi pour stopper à jamais la chute des feuilles. Dans un pot de géranium il voulut fonder une cité. Il avance, la Terre au pied, souriant, pas à pas, comme deux et deux font deux - heureux. On lui dit qu'il n'existait pas, et ne pouvant mourir de chagrin, il lui fallut naître. Il doit bien vivre quelque part, battre des paupières et grandir. À la bonne heure ! Il était temps ! Notre Maîtresse Miséricordieuse, La Machine Douce et Sapiente, pour son pieux divertissement et sa candide consolation bientôt d'un bouffon besoin aura.

Wislawa Szymborska
Traduit du polonais par Piotr Kaminski

Publié dans Poésie du monde

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