Georges L. Godeau

Publié le par la freniere

(1921-1999)
Né dans les Deux-Sèvres en 1921. Il devient ingénieur au Génie rural tout en se consacrant à l'écriture. Il manie la langue avec le regard d'un journaliste ou d'un photographe évoquant la vie ordinaire, le travail, les vacances, les joies et les difficultés du quotidien… Mais dans ces courts textes en prose, la poésie s'immisce constamment, dans la force d'un détail, d'une image, dans ses phrases elliptiques, concrètes qui laissent toujours échapper l'invisible.

Les mots difficiles, Gallimard, 1962
Les foules prodigieuses, Chambelland, 1970
Votre vie m'intéresse, Le Dé bleu, 1975
Après tout, le Dé bleu, 1991.

Godeau, né en 1921, est un cas dans la production poétique de la deuxième moitié de ce siècle. Entré vers la quarantaine en effet sur la scène littéraire, constamment soutenu, presque porté par l’auteur d’Avez-vous lu Char ?,Godeau a suscité l’intérêt de ses pairs, sans trouver pour autant un public à sa mesure, en France, alors que traduit, au Japon et ailleurs il trouve de nombreux lecteurs.

Godeau propose, depuis trente ans, des instantanés ; son poème fait de phrases laconiques tient en une dizaine de lignes ; quelques-uns s’avèrent des chefs-d’œuvre. Dans ce dernier recueil, il brocarde particulièrement le tourisme de troisième âge. « Cote d’alerte » s’achève par exemple sur ces mots : « Ça commence à devenir emmerdant à la fin. » Ce prosaïsme, c’est tout lui, chez qui l’image est rarissime. C’est comme si, pour restituer le saisissement d’une émotion – presque toujours présentée dans l’espace arrêté d’une rencontre sans lendemain –, Godeau châtrait la nature même de celle-ci, qui est l’impossible.

La dernière partie d’On verra bien s’intitule justement « Georges Mounin », mort voici peu. « Au Clotet » est l’un des onze poèmes qui forment un tombeau vivant pour l’ami :

« Jeune, il s’était jeté dans la politique. Pour changer le monde. Mais le monde se trouvait bien comme ça. Alors, il fit des études pour être professeur. Dans la linguistique. Pour mieux comprendre la poésie. En fait, pour être heureux. Il le fut pendant quarante ans malgré les défaites. Pour lui, c’était des victoires.

« Dans son antique maison, il jardinait. Il ne tirait pas en l’air pour terroriser les voisins. Au contraire, il s’avançait au grillage, il cueillait les framboises qui dépassaient et, à travers les mailles, il les glissait aux enfants avec sa voix qui jouait de la musique.

« La poésie qu’il aimait n’allait pas plus loin. »

Telle est, aux antipodes des fulgurances de Char, la vérité de Godeau. Comme Mounin les goûtait tous deux, le temps ne serait-il pas venu pour les français d’en faire autant ? Ce sera une aventure d’accès facile et promise à de vrais bonheurs, en lisant et relisant par exemple une première anthologie de cent quarante poèmes de Godeau, parue chez le même éditeur, en 1985, sous le titre Votre vie m’intéresse.

Pierre Perrin

 

Mes arbres
 

Nous sommes arrivés ici les uns derrière les autres. J'ai planté les premiers puis semé des noyaux.
Un jour je les ai découverts dans l'herbe, je les ai grillagés, j'ai porté de l'eau et maintenant qu'ils
sont tous grands je me promène sous leur ombre, parfois je m'étends et dors. Quand je me réveille, fidèles, ils sont là. Ce sont mes arbres, je suis à eux.

 
Nadine
 

Nadine a trois visages, l'un pour son grand?père qui va la chercher à la gare, qui lui demande des nouvelles de sa mère, de sa santé, des vacances et qui la reconduit avec des billets plein sa poche, l'autre pour l'étranger qui entre, s'assoit pour déjeuner, prend le café et lui parle d'école, de peinture
et de son avenir et le dernier enfin pour la bande de copains avec qui elle passe la plupart de son temps. C'est celui-ci qui fait le charme des deux autres.

 
La pêche à Noël
 

La nuit, déjà. Je démonte et sors de la glaise. Non loin, un paysan scie près d'un feu. Des corbeaux, enfumés, l'insultent. Prudent, je franchis le dernier fossé. Deux ragondins qui se croyaient seuls plongent. Chacun son heure. Excuses, bonsoir, je m'en vais.

 
Le vrai printemps


Parce que le soleil s’est enfin installé dans un ciel bleu à ne pas y croire elles ont jailli de leurs manteaux, de leurs bottes, en une nuit et les voilà qui promènent maintenant sur les trottoirs les robes de l’année, à peine posées sur leurs épaules, à peine descendues
si bien que la foule en oublie de rentrer comme au soir d’une révolution.

Georges L. Godeau

 
 

Publié dans Les marcheurs de rêve

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