Je me découvre là où tu t'es oubliée

Publié le par la freniere

Tout ce qui compte à présent, c’est de ne pas être dehors. Mes rêves seront sauvés et l’espoir demeurera une beauté aussi pure que ces flocons de neige formant un tapis de blanc. Il y a bien sûr, toujours ce murmure furieux et ce fleuve tonitruant qui traversent des communautés oubliées. Mais l’innocence n’est plus un mal. La candeur toute ébouriffée n’est plus ce nuage d’ignorance et de noir sirupeux. Je mange à la terre que j’occupe et j’habite l’ossature de la mer comme une seconde maison. Je suis assis sur un trépied pour maintenir à bout de cœur le chemin où se perd la parole nue. Mon audace a le frisson en boule de laine et j’enserre la traversée des peaux et des haleines avec le souffle clandestin de mes errances. J’ai trop longtemps voulu sortir de l’ornière pour voir à quoi ressemble le visage de ta mort. Le temps m’a fait plier comme un roseau, les sentiers se défont et des éperviers ratissent la neige fondante qui coule dans mes mains serrées.   

 

Pour sauver l’amour, il faudrait déterrer l’existence de ses ruines et de ses délabrements. La seule mémoire utile réside dans la chair de toute chose. Nous avons retenu dans nos fibres la clarté puissante des bêtes vivant dans des terriers. Nos vies sont trop courtes et l’éternité est trop longue. Nous avons mémorisé la fluidité de l’éclair brisant toute endurance. Et, dans un éclat, nous semons la lumière au plus profond de nos âmes.

 

A présent, je sais que l’important n’est pas l’image que j’ai conservée de toi et qu’il importe peu d’ajuster l’écho de notre résonance à la lime du temps. Il suffit simplement de lui offrir un lieu d’accueil hospitalier. Il y a quelque chose d'initié dans mon cœur. L’intérêt que j’éprouve pour ceux que j’aime ne s’explique pas, ne revendique rien d’autre qu’une entente inconditionnelle. Il y a un lien entre la bienveillance que je me porte et celle que j’accorde aux autres, à tous les autres. Je me découvre là où tu t’es oubliée. Ton absence m’enseigne le dépouillement nécessaire à la sérénité. Mon imaginaire et mes rêves ne sont que des bulles d’air qui me conduisent hors du champ de la réalité. L’instant présent cohabite avec la troublante cacophonie des siècles ensevelis dans mon sang. 

 

Bruno Odile

 

 

Publié dans Poésie du monde

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