Touriste du dedans

Publié le par la freniere

Touriste du dedans

je promène l’infini

comme on promène son chien

sans laisse ni médaille.

Les pays de passage

voyagent par ma voix.

Chanteur de silence,

l’absolu sur la langue,

bon à tout, bon à rien

et même à l’espérance,

c’est debout que je lis

dans le livre des arbres

et sa rumeur de pages

qu’a déjà le feuillage.

 

Je traîne ma lenteur

sur le bord de l’instant,

un peu de ciel, un peu de miel,

un peu de mer aussi

dans le vert de mes yeux,

un vieux rêve de poche

comme un chagrin d’enfant,

les galets de Cadou

dans le ruisseau du cœur,

les enjambées de Char

sur le bord de la Sorgue,

la couleur des mots

de Rutebeuf à Tzara,

la douleur des cris

de Baudelaire à Miron,

les souris de Prévert

qui grignotent le temps,

la belle tête de Lorca

éclatée sous les balles,

un peu de lac, un peu de lait,

les veines qui se gonflent

quand la mère tend son sein,

une part de neige, une part de pierre

dans les eaux de Bachelard,

Desnos, Hikmet

et leur vache enragée

sous les cornes d’espoir,

les lignes d’Éluard

caressant l’impalpable,l

la barbe de Whitman

dans la rumeur des rues,

le vélo de Perros

dessinant la Bretagne,

les objets de Guillevic

échappés sur la page,

l’échoppe de Le Gouic,

ses poèmes en faïence,

la mouillure des caresses

au secret de la touffe

et les images en neige

remontant vers les yeux,

la folie dans sa cage

souriant aux étoiles,

un chaland plein d’écume

où l’odeur a une âme,

les parfums de lumière

dans un jardin de nuit.

 

Chaque mort emportant

un peu de mon visage

dessine dans mes rides

son sourire en allé.

Vous pouvez fouiller mes cris,

colorer mes images,

bazarder ma parole

mais ne laissez pas fondre

le sucre de l’amour

avant même d’y goûter.

 

Jean-Marc La Frenière

 

 

 

 

 

Publié dans Poésie

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article