Jean Dif

Publié le par la freniere

Poète d'origine auvergnate, il vit actuellement à Paris. Ingénieur informaticien et diplômé d'économie, il a consacré une partie de ses activités professionnelles au conseil, à la recherche et à l'enseignement. Il a notamment été maître de conférences à l'ENA. Amateur de voyages et de découvertes, il a fait le tour du monde, a vécu au Québec et se rend régulièrement en Asie et en Amérique du Sud.
Il a publié des textes dans des ouvrages collectifs ou en revues (Simili-Type, Encres Vives, Le Cri d'Os, Parterre Verbal, Traces...) et trois recueils de poèmes: " La Voix Publique " aux Cahiers de Rochefort, "Kaléidoscope" et "Variations" à Encres Vives. Il est également l'auteur d'un ouvrage historique relatif à la campagne de Russie en 1812: "Les mémoires de Jakob Walter" publié aux Editions Historiques Teissèdre.
Il a créé plusieurs sites Internet dédiés à l'art. 
Sur son
site  ,on peut lire quelques-uns de ses textes ainsi que des textes de nombreux autres auteurs, français et étrangers, la plupart contemporains.

 

CÉLÉBRER LA PAIX ?

Lorsque le plâtrier épileptique eut enfin succombé sous les gravats qu'il avait lui-même entassés, les manches jetés après la cognée bourgeonnèrent. Les prisonniers pointèrent le nez au soupirail. Dans la cassure des barreaux brisés l’acier retrouva l’innocence de la glace. On vit les balles perdues sourire sur le visage des rescapés, cependant qu'ici ou là, erraient des morceaux d'hommes, à la recherche de leurs membres. A la suie des crémations succéda la fumée bleue des calumets. Les douilles d'obus se transformèrent en pots de fleurs. Les gamelles rouillées furent posées sur des étagères. On rangea pieusement les os dans les ossuaires, pour l'édification des générations futures, au moment des anniversaires.

Les âmes sensibles crurent alors avoir gagné. Les lames allaient regagner leurs fourreaux. Les haches seraient à jamais enterrées dans un lieu soigneusement gardé secret. On reléguerait au musée de l'histoire les machines à en découdre. Le fer ne servirait plus qu'à forger des socs. Mais on rendit leurs fusils aux chasseurs et tout fut à recommencer.

Les baroudeurs portèrent à nouveau fièrement leur cartouchière en sautoir comme un collier de dents. La pays du matin calme devint celui des nuits torrides. Des rizières aux djebels, le napalm entretint de gigantesques barbecues. On retira leur camouflage aux forêts soupçonnées de pactiser avec le diable. Ici, on écorcha. Là, on ébouillanta. Ailleurs, on empala avec des goulots de bouteilles ou des tire-bouchons; on interrogea à la dynamo ; on fusilla; on pendit; on découpa à la machette. Les enfants s'arrachèrent les yeux pour jouer aux billes. Triste bilan au Liban, soupirait-on encore avant-hier! Et cela continue.

Les héros recrus de la guerre du Golfe enfantent des monstres. A Sarajevo, une balle siffle son chien. C'est la mort qu'elle appelle. Les embargos condamnent à périr de faim plus de victimes que les interventions humanitaires n'en sauveront. On porte en soi l'indifférence comme un bandeau sur l'âme. On se montre toujours aussi indulgent pour les vainqueurs et les puissants, aussi sévère envers les vaincus et les faibles. A quel escient s'indigne-t-on ? Les maîtres-chanteurs seuls ont droit à la parole.

Il aurait fallu retirer l'ortie de nos coeurs, démolir la muraille qui traverse chacun de nous pour nous séparer des autres, laver nos yeux à la rosée pour dissoudre la taie qui les couvre. Bannir les mots vénéneux qui empoisonnent les palabres. Ne pas rendre aux chasseurs leurs fusils. Je n'ai pas le goût de chanter la paix.

(Une version de ce poème en prose est parue dans l'anthologie 1995 de "Flammes Vives" consacrée au thème de la paix)

Mes Amis

Vigies des terres promises
Guetteurs de l'inattendu
Médiateurs de l'indicible
Piégeurs des reflets
Bouches des échos
Scaphandriers du sommeil
Orpailleurs des pressentiments
Ecuyers des ouragans
Magiciens qui manquent leur coup
Collectionneurs des refus
Lauréats des timbales vides
Mes amis paraissent toujours nés
de la dernière pluie

Mes amis préfèrent l'ombre à la proie
Mes amis suivent le chemin des écoliers
Mes amis entretiennent les volcans
Mes amis font mentir les proverbes
Mes amis font la guerre buissonnière
Mes amis n'ont pas le doigt
sur la couture du pantalon

Mes amis font bande à part
Le bât blesse mes amis

(Une version de ce poème a été publiée dans le N° 31/32 de la revue"Le Cri d'Os")

Germinal

...

Éclaireurs du printemps semences légères

jetées d'une main tiède les hirondelles

dans l'ébénisterie du jour taillent des encoches

Touches blanches et noires d'un clavecin

sur le ventre ou le dos elles virevoltent

à travers l'air bruissant de présages

afin qu'une oreille subtile entende

claquer dans la forge des mots

le fouet discret des martinets

...

Si le poème perce

comme une dent

qu'au moins ce ne soit pas

une dent de sagesse

Publié dans Les marcheurs de rêve

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