La descente de l'Escault

Publié le par la freniere

(…)

J'aime à rêver en ce lieu  où les martins-pêcheurs s'abreuvent
menant grand raout d'ailes et becs tapageurs.
Qu'il est doux le bruit des plumages brillants de ces petits illuminés
Ô cette vitalité d'arpenteurs des eaux !
Ainsi, dans le soleil léger d'un après-midi indifférent: je veux dire
semblable à cent autres, sommes-nous là, sous le toit d'ardoise des oiseaux :
concret - éternel , pourquoi pas !
mains largement ouvertes pour, jusqu'à soi, laisser venir les rêves
les rêves d'immortalité que suggère l'eau verte et légère
sur laquelle, que je sache!, aucun Christ encore n'a marché.
Voici la face paisible d'un lac acceptant d'être ce qu'il est :
miroir amical des montagnes bleues !
Voici ce qui appartient à la préhistoire de l'homme fixant les cimes
ce plafond de nuages d'arolle sculpté.
Sur la façade des eaux s'inscrivent d'étranges graffitis, voici ce que l'on voit,
ce que l'on sent, ce que l'on devine, songeant aux armoiries des vagues
aux inscriptions effacées par quel clapotis ?
Voici le lieu de naissance de l'harmonie parfaite.
Où poussent les anémones, la soldanelle violette, commence le pays lumineux.
Nous sommes de ce monde.
Il nous arrive de nous réfugier derrière la grille en fer forgé du soir
et d'attendre que la flamme de la céleste bougie s'allume.
Ainsi va le temps ardent.
Que sont les oiseaux devenus?
Quel vent soufflera sur la braise de leurs yeux pour que la nuit rougisse?
Ainsi l'écrasement tellurique annoncé n'a pas raison d'être.
Quelque chose de présent se tient là et apparaît, dirait-on,
en encorbellement, en relief,
transfigurant la masse liquide en paysage alpestre.
Et déjà, reviennent les oiseaux assoiffés, nerveux, bons camarades.
Et, s'ils crient, c'est bien pour signaler au marcheur qu'il leur ressemble.

(…)

 

Franck Venaille 

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Publié dans Poésie du monde

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