Ma mère

Publié le par la freniere

Elle essayait de choisir la singularité paisible de chaque jour. Elle aimait les fleurs, la musique. Et les oiseaux. Pas toutes les musiques, mais toutes les fleurs. Et surtout les oiseaux. Plus que tout, elle aimait le jardinier, sa présence solide. Elle l'aurait voulu toujours près d'elle. Quand la solitude l'a happée, elle a continué à aimer la musique, les fleurs. Et de plus en plus les oiseaux. Dans sa tête, pleuvaient des images passées, son regard semblait en excursion. Alors, je crois, l'évadée rejoignait le jardinier dans le haut du haut. Elle écrivait des poèmes dans un cahier d'écolière, son écriture souple parlait d'envol. Pour les mots lourds, elle les consignait dans d'autres cahiers. Il y des années de cahiers. Elle portait la grâce naturellement, avec un brin d'entêtement excessif. Sa fine silhouette d'aile fragile tenait à la terre par des racines fermes. Sa pensée rebelle aurait pu briser le piquet et la corde. Aurait pu. Longtemps je n’ai pu ouvrir ses cahiers. C’était ma mère. Elle m’a donné la clé du simplement beau. Et le chemin d’écriture.

 

Ile Eniger

Publié dans Ile Eniger

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