Sous des tas de papier

Publié le par la freniere

On cache la douleur sous des tas de papiers, les larmes dans ses poches. On fait tinter la peur dans un trousseau de clés. Toutes les pépites d’or arrachées à la terre sont des larmes de pierre. Le pain ne lève plus. On ne pétrit que cendre dans la farine humaine. Il nous faudra soigner les pétales du feu, remettre le soleil dans l’âme des olives. J’entends crier dans l’homme ses racines vivantes. J’entends les veines qu’on jugule devenir des nœuds. Sur la tige apeurée, les pétales d’un poing protègent la rosée. Chaque fleur est un doigt dans la main du pollen.

 

J’ai frappé à la porte avec un brin de paille. On m’a laissé dehors. J’ai mis des roses sur le seuil. On les a piétinées. J’ai mis des mots sur le silence. Ils sont couverts de sang. J’ai labouré la page sous le soc des voyelles. On a tordu la tige à mes bouquets de prose. J’ai compté les moutons. Seul un troupeau d’épines a bêlé dans la nuit. J’ai gravi la montagne. Texaco était là, ses chèques, ses fusils et ses pancartes À vendre. J’ai cherché dans la vie quelque chose de magique. Je n’ai trouvé qu’un mot, un cordonnier qui boite, un rossignol mécanique, une seule miette de pain. J’ai demandé l’heure. On m’a planté au corps une aiguille d’horloge. J’ai parlé aux hommes. Ils n’ont pas écouté. J’ai parlé aux étoiles. Elles me répondent encore.

 

Jean-Marc La Frenière

extrait de Chronique appallachienne

Publié dans Prose

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