C'est miracle

Publié le par la freniere

C’est magique une main, un cœur qui bat, les fleurs, les abeilles, cet arbre qui s’étonne de la force du vent, cette pierre qui se tait en refermant son poing. C’est miracle le soleil qui frappe à la fenêtre, un ruisseau qui finit par se rendre à la mer, cette étoile qui brille longtemps après sa mort. C’est magique les cinq lettres du mot amour, la perle dans une huître, les grappes de raisins, cette fleur trop belle entre les barbelés, cet air qui voyage dans les trous d’une flûte, cet insecte posé sur le rempart des ronces, cet oiseau qui chante à portée de fusil. C’est miracle cette épine protégeant les pétales, la larme de résine sur l’écorce du pin, les mains d’or du blé, les petits fruits qui craquent sous la dent, le parfum de la menthe, le goût sucré des pommes, l’amertume du thé. C’est magique ce lichen qui s’accroche à la pierre, le poids léger de l’air sur l’aile des oiseaux, la pluie sur les racines, les vagues sur la mer émiettant la lumière. C’est miracle ce chaud qui succède à l’hiver, le silence des choses, le chuchotement des arbres, l’appel d’une hulotte au milieu de la nuit, les pas d’une souris sous une meule de foin, les pas sur le trottoir, les poils sur la peau, les cils sur les paupières. C’est magique ces rides comme un dessin d’enfant, l’idée du clou dans la tête du marteau, celle du pain dans la main du semeur, ce mal de tête précédant la pensée, cette langue de chien lapant l’eau des ornières, cette lampe qui brille, cette langue de feu réchauffant l’espérance, l’écho du paysage sur l’écran des paupières. C’est magique un livre qui nous hante, un trou qui chante au passage de l’air, cet érable qu’on plante au milieu de la neige, le violon de la mer dans la conque marine et la jonque chinoise en parchemin de soie. Tout est miracle, mêmes les choses abandonnées, les minous de poussière, les taches sur l’évier, l’ébréchure des tasses, la rouille sur le fer. C’est magique la mousse d’un vieux tronc, la douceur du miel, la bave du crapaud et la terre gluante. C’est miracle la vache dans un pré comme une orante de lait, les grandes oreilles de l’oseille, les bogues sous la neige, les châtaigniers en fleurs. C’est magique les mots, ces vitamines du monde, les couleurs du peintre, les arpèges, les notes, les toiles d’araignée sous les poutres du toit. C’est magique la vie qui persiste à durer dans la folie des hommes. Quand un enfant se tait, un grillon quelque part s’époumone encore plus.

Publié dans Prose

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