Les poissons
Les poissons s'agitent dans leur bocal. Ils font la mer pour oublier qu'ils l'ont bue. Je t'aime si tu m'aimes ou le contraire moi non plus. Rivés sous leur ceinture ils agitent leurs queues de tête vide. Ils se barbouillent, se grattouillent, attention ça rend sourd ! Au secours, y a-t-il un amour quelque part ? Forcément ils n'entendent pas ! Où sont passées les souris, s'inquiète le poisson chat qui tourne en rond. En rond. En rond. Assise sur sa citrouille la sirène se trompe de conte. Que fait le Petit Poucet, il a mangé le loup qui croyait au Prince Charmant ! Le poisson marteau a perdu la tête quand la rumeur est tombée dans la soupe. Pauvre rêves ! Dieu est mort qui s'est cogné le cœur aux parois de verre. Il est mort au premier mensonge, premier crime, premier intégrisme. Il n'a pu supporter les yeux de l'enfant, de la femme et des bêtes. Ni la langue du pendu. Les poissons ont vendu leur âme pour des papiers qui prennent l'eau. Ils ont lancé la terre et l'air au bout de hameçons. C'est le monde à l'envers. Reste un bocal pourri dans la flaque du vivre. Dehors, quelques larmes d'oiseaux refont un océan.
Ile Eniger Poivre bleu