Je remonte le temps

Publié le par la freniere

Je ne sais rien de la logique du discours. Les mots s’imposent à moi. Dans le vocabulaire, je suis comme une bille dévalant l’escalier. Au bout de mon crayon, un squelette réclame le battement du sang. La vie sourit sur les visages mais la mort gratte à l’intérieur. Nous ferons mieux le monde si l’argent disparait. Les fleurs enseignent le soleil sans demander de salaire. Le beau linge du ciel rehausse l’horizon sans s’occuper de la mode. La laine habille les moutons et les oiseaux chantent pour rien. La pluie se donne aux arbres et les feuilles à l’humus. Les ombres servent d’écrin aux perles de lumière. Je n’oublie pas ce que peut faire un homme, de bien ou de méchant. J’allume un feu de brousse dans l’hiver des yeux et m’en remets au verdict du vent. Je vais où vont les mots comme les morts vont dans la mort, les vivants dans la vie. J’ajoute ma sueur à la besogne d’être. J’ai arraché ma montre mais j’ai gardé le temps, tout le temps pour aimer.

 

Peu importe le drapeau, la religion, l’idée, tous les canons parlent en monnaie, les papes en momies. Tapis dans leurs bureaux, ce sont toujours les mêmes qui allument le feu. Exilé par lui-même, mon peuple cherche à naître. Je vis dorénavant sur un lit de papier. Je mords la chair des mots. Creusant la terre du rêve, je sursaute à peine quand je tombe sur un os. La tête enfouie dans le non-être, les enfants naissent sans voir le jour. La bulle bleue d’un écran leur sert de soleil. Où sont la vraie chaleur, le pointu des épines, le poids sur les épaules, le caillou dans les bottes ? Tant de sang coule pour rien. Tant d’oiseaux perdent le nord. Tant de fleurs manquent d’abeilles. Tant de bêtes meurent de faim pour que deux ou trois hommes s’étranglent d’abondance.

 

Ce qui n’est rien avère tout le possible à faire. Une petite aube continue sous les paupières qu’on écrase. Les enfants et les vieux nous disent l’heure exacte. Les autres mentent sur leur âge. Je préfère de loin la caresse aux souvenirs, la semence aux greniers. Je remonte le temps dans un sens ou dans l’autre pour en trouver le sens.

Publié dans Prose

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