Laissez-moi seul
Laissez-moi seul avec les pierres
qui ne demandent rien,
les fleurs sur les tombes
qui ne quémandent plus.
On marche toujours
un pas dans la lumière,
l'autre dans l'ombre,
un oeil qui voit,
l'autre qui pleure.
On donne la main
pour la reprendre,
la parole pour se taire.
L'aveugle voit les roses
avec l'odeur et les épines.
On ne lui offre plus
que des fleurs en papier.
Le désespoir reste à l'affût
des oiseaux du malheur,
du cri des herbes qu'on piétine,
le désarroi des outardes
qui ont perdu le nord,
le rictus des poissons
la gueule sur l'hameçon,
la blessure des doigts
sous le marteau du boss,
du vent qui nous caresse
avec une main d'épines.
Je bute sur les portes
dans la maison des hommes
mais je reste à l'écoute
du moindre signe de vie.
J'écris avec l'espoir
comme un oiseau bâtit son nid
sur un arbre blessé.
J'écris avec la page
qu'on arrache d'un livre
pour rallumer le feu.
Le naufrage des vagues
porte déjà la plage.
Le moindre pas dans le désert
a le sourire de l'eau.
septembre 2002