Les chiens de chantier

Publié le par la freniere

Ce qu’on appelle progrès n’est qu’une farce immonde. Je voudrais m’éloigner loin de la corruption, mais la névrose atteint jusqu’aux plus vieux des arbres. La plupart des gens d’ici respirent par la télévision et ne peuvent faire un pas sans sniffer de l’essence. Leur drogue à eux, c’est la vitesse et le bruit des moteurs. Même à la campagne, l’imbécillité et la cupidité sont les mamelles qu’on tète. Les vieux enfourchent des motos pour se sentir plus jeunes mais leur cerveau dérape à chaque tour de roue. Chaque enfant a son petit vtt qui marche pour de vrai, en attendant d’humer son gros Hummer. Nous sommes loin de la transhumance et des moutons rétifs. C’est le royaume des motorisés et des vendeurs de chars. Au pays des enveloppes brunes, des pots de vin et des pots d’échappement, pour ne pas être en reste avec les grandes villes, chaque petit village a son maire véreux. Celui d’ici ne vaut pas cher. Il louerait sa mère pour un voyage dans le Sud. Il a déjà vendu les plus beaux paysages pour une poignée de peanuts et quelques poignées de main. Les spéculateurs dressent partout des singes de service, des petits coqs de province, des paons décapotables, des comptables en papier, des notaires d’argent sale, des avocats pourris. Où est passé le vrai monde ? Où sont passés le vrai lait, la crème qui monte, les fraises sans colorant, les bœufs qui ne soient pas Starbuck mais simplement des bœufs. Les dieux de par icitte ont des chenilles d’acier et de grands bras de fer. Ils déchiquètent et broient. Ils éventrent la terre. Les chiens de chantier aboient comme des klaxons et font fuir les loups.

        

Le monde moral se réduit à une série de lois dictée par le profit. Voler une banque est bien comparativement à la fondation d’une banque. Je ne vois pas de signe que l’homme va changer. La précision des drones tue quand même des enfants. Elle fait sauter des écoles, des hôpitaux mais néglige les hôtels de luxe et les palaces de riches. Loin des yeux, loin du cœur. La science infecte les abeilles. Je ne crois plus à l’histoire dont le budget tourne les pages, au grand soir, aux promesses d’élection, aux chiffres des comptables. L’argent est toujours sale. Il n’y a pas de mains propres chez les politiciens. J’ai traversé l’enfer pour affronter le diable. J’ai arpenté le ciel sans croiser un seul Dieu. Si je suis né entre deux guerres, je mourrai entre deux pages écrites pour la paix. Je reconstruis le monde avec des mots d’amour.

 

Publié dans Prose

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<br /> Tes mots d'amour sont la seule chose valable, le reste, du vent. On croise les faux dieux au long des autoroutes et nous marchons pieds nus loin d'eux dans la poussiere. Chaque pas qui nous porte<br /> nous éloigne de l'ombre, chaque mot publié est un geste d'amour. Le reste importe peu et sera bientôt cendre. La vie nous attends tous quelque part, loin du bruit.<br />